Je m'appelle Soraya., j'ai trois enfants et je suis d'origine marocaine. J’habite aujourd'hui en Belgique. Je me suis mariée, je n'avais même pas 15 ans. C'était un mariage arrangé au Maroc. Je ne voulais pas me marier mais ma mère voulait car elle croyait qu'elle allait mourir, et pour l'argent aussi.
Le jour même du mariage, il m'a déjà battue parce que je ne voulais pas avoir de rapports sexuels. J'étais pleine de sang. Après 15 jours de mariage, il m'a ramenée
en Belgique dans le coffre de la voiture. On a vécu chez mes beaux-parents pendant plus ou moins 8 mois. Je ne le voyais presque pas, il était toujours dans les cafés, il rentrait tous les 2 ou 3
jours dans la nuit. Pendant cette période, il m'a claqué la tête contre le mur, je suis tombée dans le coma, je suis restée deux mois à l'hôpital. Je n'avais pas de papiers, on m'a fait passer
pour ma belle-sœur. Je ne sais pas ce que j'ai eu car on parlait flamand et je ne comprenais pas. Il ne s'est même pas excusé, il n'avait aucune pitié.
Quelques temps après, je suis tombée enceinte de mon premier enfant. A ce moment-là, je me suis demandée ce que j'allais faire. Je me suis encore sentie plus liée à lui. Si j'avais eu mes
papiers, je crois que je serais partie. Je n'avais pas de papiers parce qu'on croyait que c'était un mariage blanc. J'ai tout essayé pour le faire partir, je me jetai par terre... Mais il a tenu
bon.
Quand j'étais enceinte de 7 mois, mon beau-père nous a mis dehors et on a emménagé dans une maison. Il n'y avait pas de chauffage, de nourriture, il rentrait tous
les 5, 6 jours. Je ne pouvais pas me plaindre de cela à lui car sinon, il me mettait dehors en combinaison et me faisait descendre la rue comme cela ne plein mois de février. Je devais mettre la
djellaba ... alors que dans ma famille, on ne vivait pas comme ça. Je ne pouvais pas sortir car mes beaux-parents me surveillaient. Puis il a voulu déménager pour échapper au regard de ses
parents, pour pouvoir faire tout ce qu'il voulait. Il a fallu se réhabituer à une autre maison, très grande. Là, je n'étais plus surveillée, mais il fermait la porte à clé quand il s'en
allait.
Là, il a commencé à ramener des femmes à la maison. J'étais obligée de leur servir le thé, voir s'il n'avait besoin de rien sinon j'étais battue. Puis j'ai accouché de mon fils. Je n'avais pas le
droit de me plaindre, sinon il frappait, mais il m'a quand même emmené à l'hôpital.
J'ai fait une dépression, je me suis sentie seule, je pensais à ma famille. De 80 kg, je suis passée à 46 kg. L'argent de la prime de naissance est passé dans la drogue, je n'avais rien pour le
gamin. Heureusement, que mon oncle de France a acheté des choses, sinon je n'avais rien. Après, ça a continué comme avant. Il ne rentrait pas. Je n'avais pas de chauffage, rien à manger et si je
me plaignais, il me mettait dehors en pleine nuit. J'allais en cachette chez une voisine demander un carton de lait. Une fois, il a mordu le gamin, il a hurlé. Je lui ai demandé pourquoi il avait
fait cela. Cela ne lui a pas plu : il m'a battue avec le fil de la radio. Je n'ai plus pu bouger pendant plusieurs jours. .
Avant d'avoir mes papiers, je n'osais pas partir car j'avais peur d'être renvoyée chez ma mère, et j'avais peur de ma mère et de mon oncle. Et quand j'ai eu mes papiers, j'avais peur de lui et
peur de perdre mes enfants. Je me sentais paralysée, j'avais l'impression que toutes les grilles étaient fermées.
Presque tout de suite après, je suis de nouveau tombée enceinte, mais il l'a fait partir avec des coups, il me frappait au ventre. J'avais des hémorragies mais il ne voulait pas que j'aille à
l'hôpital. Je me soignais moi-même avec des plantes.
Puis je suis tombée enceinte de mon deuxième fils, et on a encore déménagé. On a vécu de la même marnière, j'étais enfermée à clé. J'ai accouché chez moi car il n'était pas là et l'ambulance est
arrivée trop tard (j'avais demandé aux voisins de l'appeler). Il est arrivé et il a dit : "Qu'est-ce qu'il a ? Il est crevé ?" en regardant le bébé à terre. Je suis partie à l'hôpital. Mon gamin
est allé en pédiatrie et moi en maternité. Il ne venait pas nous voir. J'étais triste, j'avais envie de mourir. Il devait venir nous chercher à l'hôpital, il n'est jamais venu, il était dans les
cafés. Quelqu'un d'autre a dû me ramener. Quand il est rentré, il m'a battue. Il disait que j'aurais dû l'attendre.
Puis on a encore déménagé. La police venait tous les jours avec les chiens pour chercher la drogue. La vie était la même qu'avant : les femmes ... Puis il m’a déposée au Maroc dans une maison de
sa famille, seule pendant un an. Je n'osais pas me plaindre à ma mère car j'avais peur qu'elle tienne avec mon mari. C'est le grand-père de mon mari qui m'a aidée. Il nous a payé le billet
d'avion pour revenir en Belgique.
Je suis retournée chez mes beaux-parents, j'ai eu une hémorragie, donc mon gynécologue m'a donné la pilule. Mon mari s'en est rendu compte. Alors il m'a pissé dedans. J'étais la bonniche, je
nettoyais, je faisais la bouffe pour 12 personnes. Puis on a acheté une maison, et je suis tombée enceinte de jumelles et il me les a fait perdre à 7 mois ½ de grossesse. Il sautait sur mon
ventre. Plus il voyait de sang, plus il sautait. Il me disait : "Crève et je veux voir ce que tu as dans le ventre crever aussi". Je suis allée à l'hôpital, j'étais toute bleue. Mon gynécologue
m'a donné l'adresse d'un avocat. Mais j'ai jeté la carte car je pensais qu'il fallait beaucoup d'argent pour prendre un avocat.
Puis il a commencé à frapper mon 2e fils, il ne le supportait plus, il demandait à l'aîné de le frapper. Une fois, il l'a pris par les pieds, a mis sa tête dans le wc et tirait la chasse.
Je me mettais toujours entre eux pour recevoir moi-même les coups. Puis j'ai eu mon 3e fils et puis encore une fausse couche. J'ai commencé à parler à des assistantes sociales car j'avais peur
pour mes enfants. On a exigé qu'une assistante sociale passe à la maison pour voir les enfants. Après chaque visite de l'A.S., il était méchant avec le gamin et je me mettais entre. il me disait
qu'il me crèverait, que je finirais dans le congélateur car de toute façon j'étais orpheline, que le gamin avait la sale gueule de sa mère. Il était méchant avec le gamin pour un oui ou pour un
non. Il donnait tout au premier et rien au deuxième.
Les derniers temps avant de partir, il me demandait de lui faire à manger en pleine nuit et me menaçait de jeter le bébé par la fenêtre si je ne le faisais pas. Il tenait le bébé dans le vide, en
chemisette en plein mois de décembre.
J'ai appelé l'A.S., j'étais décidée à partir, j'étais au courant qu'il existait des maisons d'accueil. J'ai fait deux maisons d'accueil avant d'arriver au refuge car je n'étais pas en sécurité dans ces maisons-là. Une fois que je suis arrivée au refuge, j'étais soulagée. Le seul regret que j'ai, c'est que je sois restée si longtemps, mais je pensais que la loi belge m'obligerait à retourner avec mon mari. Je suis restée six mois au refuge pour femmes battues. J'ai été bien reçue, j'étais en sécurité et mes enfants aussi. J'étais chez moi. Je m'entendais bien avec tout le monde, personne ne me donnait des ordres. On m'a aidée à reprendre confiance en moi. J'ai suivi une formation à l'affirmation de soi au refuge.
Maintenant ça fait 6 ans que je vis seule avec mes trois enfants. J’ai des contacts réguliers avec le refuge. Mon ex-mari vient de temps en temps chercher le plus
grand des gamins. Il ne m'agresse plus parce que je lui montre que je n'ai plus peur de lui. Mais après tout ce temps, dans sa tête à lui, je suis encore sa femme. A l'heure actuelle, je vais à
l'école, j'apprends à lire et à écrire en français. Je travaille avec des femmes.
J'ai envie de dire à toutes les femmes que dès qu'elles sentent que quelque chose ne va pas, il faut partir. Je suis persuadée qu'il y a encore beaucoup de femmes qui ne savent pas qu'il existe
des maisons d'accueil et c'est dommage car si je l'avais su plus tôt, je serais partie beaucoup plus tôt.
Sophie : Soraya, vous avez subi l’‘enfer. C’est inimaginable de penser qu’un être « humain » peut se comporter de cette façon avec sa femme !!!
Vous avez quand même trouvé le courage de partir, et je vous en félicite. J’espère que vous trouverez en fin une paix durable, et une vie tranquille, telle que vous la méritez.
Votre témoignage, comme ceux des autres femmes sui ont parlé ici doit prouver à toutes celles qui hésitent, qu’il ne faut plus SUBIR. IL FAUT PARTIR. Quitter l’enfer dans lequel vous vivez. Vous n’êtes pas seules…