Ce blog est destiné à toutes les femmes qui se sentent hypersexuelles.
Le plus souvent, elles en souffrent, car leur entourage les juge mal, 9 fois sur 10.
Elles se font traiter de salope, nympho, putain, j'en passe, et des meilleures....
Cet espace leur est ouvert, pour qu'elles parlent, qu'elles confient ce qui les fait souffrir, et ce dont elles ont honte, la plupart du temps.
Novembre 2024 | ||||||||||
L | M | M | J | V | S | D | ||||
1 | 2 | 3 | ||||||||
4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | ||||
11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | ||||
18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | ||||
25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | |||||
|
Addiction sexuelle : la fin d’un tabou ?
Interview du Dr. Nathalie Dudoret
L'addiction sexuelle semble de plus en plus répandue. Multiplication des supports pornographiques, levée des tabous ? Doctissimo a posé la question au Dr Nathalie Dudoret, médecin sexologue, qui détaille le tableau et le traitement de cette maladie.
Doctissimo : Qu'entend-on par addiction sexuelle ?
Dr Nathalie Dudoret : L'addiction sexuelle concerne des patients qui présentent une "consommation" excessive
d'orgasmes. C'est un type de conduite que le sujet est poussé à accomplir par une contrainte interne. Lorsque l'activité n'est pas accomplie, le sujet ressent une montée d'anxiété. La question
reste à savoir quand on peut parler d'excès… C'est difficile mais chez les addicts, la consommation pluriquotidienne (qui peut atteindre 12 à 15 orgasmes) est associée à un syndrome de manque,
caractéristique de nombreuses addictions : douleur thoracique, abdominale, insomnie, etc. De plus, cette consommation d'orgasme est généralement associée à un syndrome anxio-dépressif. L'orgasme
jouant alors le rôle d'anxiolytique naturel.
Doctissimo : L'addiction sexuelle nécessite l'atteinte de l'orgasme,
donc…
Dr Nathalie Dudoret : Tout à fait. Il existe des troubles obsessionnels
compulsifs liés à la masturbation, dans ce cas-là on peut parler de consommations compulsives de masturbation sans que l'orgasme ne soit une finalité. Cette maladie est également différente du
syndrome du Don Juan ou de la nymphomanie, où le patient a une consommation excessive de séduction.
Doctissimo : Existe-t-il un profil type de l'addict ?
Dr Nathalie Dudoret : L'addict sexuel est généralement un "polyaddict". Il cumule ainsi plusieurs comportements addictifs : drogues, tabac, workahooliste, boulimie… Parfois, sa partenaire est
elle-même victime d'une addiction. Mais le trait le plus caractéristique est sans doute la présence sous-jacente d'un syndrome anxiodépressif.
Doctissimo : Ce trouble concerne-t-il plutôt certaines catégories de la
population ?
Dr Nathalie Dudoret : C'est plus généralement un homme. Il peut provenir de tous les milieux sociaux et culturels, de toutes les classes, de toutes les professions. Aucune tranche d'âge n'est
plus concernée que les autres.
Ce trouble trouve son origine généralement dans l'adolescence où des masturbations excessives s'installent et perdurent à l'âge adulte.
Doctissimo : Quelles sont les différentes phases de l'addiction
sexuelle ?
Dr Nathalie Dudoret : On peut évaluer la gravité en fonction du nombre d'heures et/ou du nombre d'orgasmes consommés. Si ce nombre n'excède pas 4 à 5 par jour, le trouble peut rester caché. Mais
s'il atteint 6 à 12 il devient difficilement compatible avec une vie sociale "normale". Ainsi, la gravité doit également se baser sur l'importance de la désocialisation engendrée par cette
addiction.
Doctissimo : Comment prendre en charge l'addiction
sexuelle ?
Dr Nathalie Dudoret : Comme nous sommes généralement face à la conjugaison de polyaddictions et d'un syndrome anxiodépressifs, il convient de classer l'importance des différentes dépendances et
de les traiter hiérarchiquement.
Le traitement médicamenteux repose généralement sur la prise d'antidépresseurs ou d'anxiolytiques, qui permettront soit de résoudre le problème pour des addictions récentes (3 à 6 mois), soit de
diminuer la consommation avant d'engager une thérapie cognitivo-comportementale.
Doctissimo : Une thérapie qui peut être engagée en couple ?
Dr Nathalie Dudoret : Si le comportement de l'addict est compatible avec une telle prise en charge. C'est-à-dire s'il obtient sa consommation d'orgasmes avec la même partenaire, ce qui entraîne
une forte dépendance et une très forte de l'angoisse de la séparation. Dans ce cas, la thérapie de couple peut être adéquate. Mais plus généralement, l'homme a deux ou trois partenaires, ou
recoure à des professionnelles ou d'autres supports d'excitation… Dans ce cas, la participation de la partenaire à la prise en charge est plus problématique.
Doctissimo : Dans quelles circonstances les patients viennent-ils vous consulter ?
Dr Nathalie Dudoret : Généralement, on constate un très important retard de diagnostic. Les patients viennent me consulter après que l'addiction sexuelle ne soit plus compatible avec leur vie
sociale (insomnie persistante, amaigrissement, désocialisation, perte de travail, problèmes financiers…). A partir d'un certain âge, lorsque des problèmes d'érection ou d'autres troubles sexuels
ne leur permettent plus d'atteindre leur consommation habituelle d'orgasme, les patients risquent une décompensation.
Par ailleurs, l'addiction sexuelle reste honteuse (les patients utilisent généralement le terme "d'obsédés sexuels") et l'on voit souvent des patients qui connaissent des épisodes successifs de
dépression parce que le diagnostic d'addiction sexuelle n'a pas été porté et entraîne la rechute.
Doctissimo : Les cercles sur le modèle des alcooliques anonymes constituent-ils une solution ?
Dr Nathalie Dudoret : Ce système de prise en charge est plus répandu aux États-Unis. Mais comme les
patients souffrent généralement de plusieurs comportements addictifs, il est difficile de bénéficier d'une thérapie de groupe. Et le modèle des alcooliques anonymes ne s'appliquent pas tout à
fait à ces groupes qui sont dirigés par un thérapeute et non laissés aux patients. Par ailleurs, parler librement de sa sexualité reste plus tabou que d'aborder sa consommation d'alcool…
Doctissimo : Les addicts sexuels représentent-ils une proportion croissante de votre clientèle ?
Dr Nathalie Dudoret : Oui. Mais je pense que ce phénomène est plus lié à une levée du tabou qu'à une réelle
évolution sociale mais également à une meilleure connaissance des troubles addictifs.
Propos recueillis par David Bême, le 10 décembre 2003