L’article qui suit est passionnant, car il décrit ce qui pourrait être une sexualité anormale, mais en termes médicaux. Les origines de celles-ci sont traitées, ainsi que les façon de les guérir.
Ce texte est tiré d’une aide au diagnostic pour les médecins. Certains termes peuvent donc être difficiles à comprendre. Mais rassurez-vous, vous comprendrez tout à fait le sens général de cet article !
La sexualité « normale »
Introduction
La sexualité est, du point de vue de l’espèce, orientée vers la procréation.
Néanmoins elle a toujours eu des significations autres que ce but : pouvoir, valeur, place sociale, de l’individu…
L’apparition récente (il y a 30 ans, soit une génération) de moyens efficaces de contrôle des naissances l’a affranchie de sa liaison à la grossesse et a favorisé une libération certaine des mœurs, de même qu’un changement dans le statut et les rôles sociaux des femmes et des hommes. Malgré ces changements importants, la sexualité hétérosexuelle se pratique le plus souvent dans le cadre d’une relation de couple et la question d’avoir des enfants et de les élever reste toujours aussi primordiale.
Enfin la possibilité de contamination par le VIH pèse sur les pratiques sexuelles et doit faire l’objet de l’attention de chacun, en particulier des médecins.
Epidémiologie
« Ma sexualité est-elle normale ? » est une question que l’on peut se poser - plus ou moins anxieusement – à tout moment de son existence, surtout à l’adolescence. La plupart des pays industrialisés disposent actuellement d’études de la sexualité en population générale.
Ces études étaient destinées, il y a 30 ans, à mieux connaître les comportements sexuels en vue de la contraception ; il y a 10 ans elles ont été diligentées en vue de la prévention du
Sida. On connaît ainsi la fréquence moyenne des rapports sexuels en fonction de l’âge, de l’éducation…, les différentes pratiques sexuelles, les opinions sur la sexualité, la communication sur ce sujet…
Néanmoins il ne s’agit que de données statistiques et les variations individuelles sont très grandes. Comptent surtout pour l’individu la pratique qui lui va – dans les limites de la loi – et sa capacité à trouver un équilibre et une certaine satisfaction dans cette pratique, y compris dans l’abstinence s’il l’a choisie.
La loi
La loi ne contrôle pas les pratiques sexuelles privées, entre adultes consentants.
Elle réprime les pratiques sexuelles publiques, les abus sexuels de personnes adultes non consentantes, et les abus sexuels d’enfants.
Pathologie sexuelle : les troubles sexuels
Ils comprennent les dysfonctions sexuelles, les paraphilies, et les troubles de l’identité sexuelle.
Les dysfonctions sexuelles (DS)
Caractères généraux
Les termes anciens d’impuissance et de frigidité, trop imprécis et péjoratifs, n’ont plus cours.
Les DS sont maintenant décrites en référence à la phase des relations sexuelles qui est altérée, et de façon parallèle chez la femme et chez l’homme.
Selon le DSM-IV, on décrit donc dans les deux sexes des troubles du désir, de l’excitation et de l’orgasme, auxquels il faut ajouter les troubles sexuels avec douleur. Il existe aussi, dans les 2 sexes, les catégories DS due à une affection médicale générale et DS induite par une substance.
Pour chaque DS, des caractéristiques importantes constituent les sous-types :
- de tout temps ou acquis
- généralisé ou situationnel
- du à des facteurs psychologiques
- du à une combinaison de facteurs (facteurs psychologiques + affection médicale ou substance).
Epidémiologie
Les DS sont très fréquentes en population générale, de façon similaire dans tous les pays occidentaux, par exemple, tous âges confondus, 8 à 10 % de dysfonction érectile (DE), 15 à 30 % d’éjaculation précoce (EP), 2 à 4% de trouble de l’orgasme chez l’homme, 30 % de trouble du désir et de trouble de l’orgasme chez la femme. La DE voit son taux augmenter avec l’âge, tandis que l’EP ne diminue pas avec le temps, contrairement à ce que l’on croyait ; par contre les DS de la femme auraient plutôt tendance à s’améliorer avec l’âge.
S’il n’existe pas une relation obligatoire de la satisfaction sexuelle avec la satisfaction de la vie de couple, les DS affectent toutefois fortement la qualité de vie et l’estime de soi de beaucoup de sujets qui en sont atteints ; ceci joint à la fréquence des DS doit inciter le médecin à s’en préoccuper dans sa pratique.
Clinique des DS
NB : les intitulés des troubles et les phrases entre guillemets sont des citations du DSM-IV
Troubles du désir sexuel
- Baisse du désir sexuel : « Déficience (ou absence) persistante et répétée de fantaisies imaginatives d’ordre sexuel et de désir d’activité sexuelle… »
- Aversion sexuelle : « Aversion extrême, persistante ou répétée, et évitement de tout (ou presque tout) contact génital avec un partenaire sexuel ».
Quand ces troubles ne sont pas liés à une affection médicale ou à une substance, ils résultent souvent de problèmes de couple.
Troubles de l’excitation sexuelle
- chez la femme : « Incapacité persistante ou répétée à atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, une activité sexuelle adéquate (lubrification, intumescence). »
- chez l’homme : « Incapacité persistante ou répétée à atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, une érection adéquate ».
La symétrie des définitions est remarquable. Néanmoins, autant le trouble de l’érection chez l’homme est facilement identifiable, autant le trouble de l’excitation chez la femme est relativement difficile à étudier. Les femmes elles-mêmes n’ont pas toujours une claire perception de leur niveau d’excitation physique. Il est difficile de différencier chez elles ce trouble d’un trouble du désir.
La DE est la DS la plus étudiée, la plus traitée, la plus médicalisée, c’est-à-dire la plus entrée dans le champ de la médecine. Ceci est lié à son caractère très repérable déjà cité, à son importance symbolique pour l’homme (être un homme ou non), et à la découverte récente (moins de 30 ans) de traitements médicaux efficaces de plus en plus perfectionnés.
La tendance à médicaliser de la même façon le trouble de l’excitation chez la femme n’en est qu’à ses débuts.
Troubles de l’orgasme
- Trouble de l’orgasme chez la femme : « Absence ou retard persistant ou répété de l’orgasme après une phase d’excitation sexuelle normale. Il existe chez la femme une grande variabilité dans le type ou l’intensité de la stimulation nécessaire pour déclencher un orgasme. Le diagnostic d’un trouble de l’orgasme chez la femme repose sur le jugement du clinicien qui estime que la capacité orgastique de la femme est inférieure à ce qu’elle devrait être, compte tenu de son âge, de son expérience sexuelle et de l’adéquation de la stimulation sexuelle reçue. »
.
Le jugement du clinicien n’est pas un critère bien défini. Il faut plutôt se référer au jugement de la femme elle-même, et ne pas oublier de demander de quel orgasme il s’agit, clitoridien ou vaginal.
- Trouble de l’orgasme chez l’homme : « Absence ou retard persistant ou répété de l’orgasme après une phase d’excitation sexuelle normale lors d’une activité sexuelle que le clinicien juge adéquate en intensité, en durée et quant à son orientation, compte tenu de l’âge du sujet ».
Ce trouble était antérieurement appelé retard à l’orgasme quant l’orgasme était quand même obtenu, au prix d’un délai anormalement long, ou anéjaculation anorgasmique lorsqu’il ne pouvait l’être. Il est ennuyeux pour la satisfaction du patient, qui tarde à venir ou ne vient
pas, et celle de la partenaire habituelle qui n’apprécie pas d’être stimulée au-delà de ses souhaits. Il est une cause – curable - d’infertilité en cas d’impossibilité d’éjaculation intra-vaginale. Si certains de ces sujets peuvent éjaculer en dehors du vagin en se masturbant,
certains ne peuvent jamais obtenir l’éjaculation à l’état de veille.
- Ejaculation précoce : « Trouble de l’éjaculation persistant ou répété lors de stimulations sexuelles minimes avant, pendant, ou juste après la pénétration, et avant que le sujet ne souhaite éjaculer ».
C’est la DS masculine la plus répandue. Elle est assez toxique pour la relation de couple car la partenaire peut se sentir exploitée par un homme qui lui semble prendre son plaisir sans se soucier d’elle. Elle est traitée avec succès par sexothérapie ou médicaments.
Troubles sexuels avec douleur
- Dyspareunie : « Douleur génitale persistante ou répétée associée aux rapports sexuels, soit chez l’homme, soit chez la femme ».
Ce trouble est souvent associé à des lésions ou affections médicales, plus fréquentes chez la femme en raison des grossesses et de leurs complications. Il peut être uniquement lié à des facteurs psychologiques. Il faut néanmoins être toujours très prudent avant d’attribuer à des manifestations douloureuses, quelles qu’elles soient, une cause psychologique.
- Vaginisme : « Spasme involontaire, répété ou persistant, de la musculature du tiers externe du vagin perturbant les rapports sexuels ».
Il s’agit d’un phénomène de type phobique, qui était classiquement responsable de non-consommation du mariage et pouvait, soit durer des années, soit donner lieu à des thérapeutiques inadaptées et traumatisantes (dilatation vaginale ou défloration chirurgicale sous anesthésie). Il se soigne très bien, la plupart du temps, par un traitement congnitivo-comportemental simple effectué par une gynécologue ou une sexologue.
DS due à une affection médicale générale : « Mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires, que la DS est entièrement expliquée par les effets physiologiques directs d’une affection médicale générale ».
Toutes les maladies affectant le dispositif physiologique nécessaire à la sexualité peuvent entraîner une DS. Elles comportent en général une séméiologie sexuelle concomitante qui permet leur diagnostic. En dehors de signes d’appel cliniques, le seul examen complémentaire destiné à déceler une cause cachée de DS, surtout trouble du désir ou de l’excitation, serait le dosage de la prolactine à la recherche d’un adénome hypophysaire. Il s’agit toutefois d’une affection rare et cet examen n’est pas justifié en première intention.
NB : la présence d’une affection médicale facteur possible de DS n’indique pas son implication automatique dans la DS ; par exemple un athérome patent, ou un diabète, ou un traumatisme du bassin, peuvent coexister avec une DE essentiellement psychogène.
DS induite par une substance : « Mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires, que la DS est entièrement expliquée par l’utilisation d’une substance, comme en témoigne la présence soit de (1) soit de (2) :
(1) les symptômes sont apparus pendant une intoxication à une substance ou dans le mois qui a suivi
(2) la perturbation et liée étiologiquement à la prise d’un médicament ».
Ces spécifications soulignent que la prise d’un médicament ou d’une substance ne suffit pas en soi à l’incriminer dans la genèse de la DS ; il faut évaluer l’imputabilité selon la démarche habituelle.
Les substances illicites stimulantes – dont l’alcool – sont aussi des stimulants sexuels ; elles ne donnent de DS qu’à dose intoxicante. Les opiacés par contre ne sont pas des stimulants sexuels et peuvent être facteurs de DS à des doses non intoxicantes.
Les médicaments fréquemment facteurs de DS sont les antihormones, les antidépresseurs et les neuroleptiques, à un moindre degré les divers traitements de l’hypertension.
L’examen sexologique
Il suit les procédures habituelles de l’examen médical. Sa spécificité tient à l’embarras qu’il peut susciter chez le malade et le médecin.
L’entretien doit commencer par faire préciser les caractéristiques du trouble, actuelles et passées. Il faut encourager le patient à s’exprimer avec ses termes à lui et ne pas utiliser de termes techniques sans les expliquer. Le médecin doit acquérir la capacité de parler tranquillement de la sexualité.
On explore ensuite la vie sexuelle et relationnelle du sujet, ses antécédents personnels somatiques et psychiatriques, ses problèmes psychologiques (quant les symptômes sont insuffisants pour un diagnostic de trouble psychiatrique), ses antécédents familiaux somatiques et psychiatriques.
Une attention particulière est portée au ou à la partenaire, du point de vue relationnel et sexuel. Le problème se pose de le ou la voir si présent(e) à la consultation, ou de demander à le ou la voir si absent(e), avec le ou la consultant(e), ou à part. Il faut un certain entraînement pour mener ces consultations de couple et on ne peut pas le recommander à un médecin qui ne s’y serait pas préparé.
L’examen somatique est recommandé ; on peut le confier éventuellement à un spécialiste urologue ou gynécologue. De même après débrouillage du trouble, on peut demander l’avis
d’un spécialiste en sexologie.
L’examen sexologique fournit le diagnostic de la DS.
L’orientation thérapeutique est fonction de l’étiologie et des moyens thérapeutiques.
Les DS reconnaissent des causes communes
Affections médicales et substances : développées dans un autre module.
Causes psychiques individuelles
- troubles mentaux : la plupart des troubles mentaux sont anti-sexuels, sauf la manie, qui stimule la sexualité. La dépression est le trouble mental le plus fréquemment responsable de DS, bien que de façon inconstante dans ses formes de sévérité modérée. Rappelons que les
psychotropes peuvent ajouter leurs effets secondaires à ceux de la maladie.
- traumatismes psychiques actuels : évènements de vie défavorables ; nécessité d’adaptation.
- traumatismes sexuels actuels: abus sexuels, facteurs très importants de DS.
- maltraitance physique, psychologique, ou sexuelle, dans l’enfance, idem.
- anxiété sociale, timidité, phobie sociale, sont aussi des facteurs de risque de DS.
Causes psychiques de couple
- les messages positifs de la ou du partenaire renforcent puissamment la motivation sexuelle et le fonctionnement sexuel ; inversement des messages négatifs les inhibent .
- les problèmes et difficultés de couple, passagers ou plus profonds, sont, par ce mécanisme, des facteurs fréquents et puissants de DS ; ils sont aussi, heureusement, très sensibles à des traitements de couple adaptés.
Moyens thérapeutiques
Psychothérapies
- individuelles générales : en règle peu adaptées à la demande des consultants qui est celle de traitements de la DS
- individuelles centrées sur la DS (sexothérapies) : d’inspiration essentiellement cognitivo-comportementale ; moins efficaces que les traitements de couple.
- sexothérapies de couple : inventées par M et J de façon pragmatique, elles peuvent être décrites en termes cognitivo-comportementaux.
Elles s’adressent principalement à la composante anxiété de performance de la DS.
Il s’agit d’une anxiété apparentée à l’anxiété sociale, qui saisit le sujet lorsqu’il doit effectuer publiquement une performance dont il se sent incapable. Ici la performance est l’acte sexuel et le public le ou la partenaire. Cela s’applique bien aux DE et à l’EP, où l’homme se sent tenu
de performer dans des fonctions somatiques qu’il ne peut contrôler volontairement. Cela s’applique aussi aux troubles de l’excitation et de l’orgasme chez la femme malgré le caractère secret de leur performance pour le partenaire ; ce secret ne joue pas pour elles et elles présentent aussi, bien que moins souvent que l’homme, une anxiété de performance sexuelle.
Pour la femme la sexothérapie comporte une part importante d’information et de familiarisation avec la connaissance de ses organes sexuels cachés et de leur fonctionnement.
Enfin dans les deux sexes une composante importante du traitement est le travail sur la communication dans le couple.
Ces sexothérapies comportent des prescriptions d’exercices sexuels à domicile et leur discussion dans les séances de thérapie. Il s’agit essentiellement de décentrer la préoccupation des sujets de la performance sexuelle pour la recentrer sur les sensations, la communication
détendue, et le plaisir corporel. Les premières consignes comportent en général l’interdiction des rapports et des stimulations sexuelles directes, et la prescription de travailler les sensations corporelles générales, non sexuelles. Ce temps initial passé, la sexothérapie peut
être considérée comme une rééducation de la sexualité. Certaines sexothérapies utilisent des méthodes de travail corporel spécifiques à visée psychothérapique, par exemple
la psychomotricité ou la relaxation.
Par contre, tout exercice de stimulation sexuelle effectué avec le thérapeute doit être considéré comme suspect d’abus et est maintenant réprouvé par les associations de sexologues. Il faut en informer les patients lorsqu’on les adresse à un spécialiste.
NB : le traitement du vaginisme comprend un travail avec un thérapeute (femme recommandée) sur la pénétration vaginale ,mais il ne s’agit pas d’un exercice de stimulation sexuelle.
Traitements médicamenteux ou chirurgicaux
Ils s’adressent essentiellement à la DE et l’EP.
La DE peut être traitée par :
- les androgènes en cas d’insuffisance avérée ; on discute actuellement du traitement androgène de l’andropause, où cette insuffisance est relative (mais risque pour le cancer de la prostate).
- Les alpha-bloquants (yohimbine), d’efficacité démontrée, mais faible
- Les inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase (PDE-5) intracaverneuse, qui favorisent l’action de l’oxyde nitrique. Leur prototype est le sildenafil, premier produit actif par voie orale sur l’érection. Ils nécessitent une stimulation sexuelle pour agir.
- L’apomorphine, d’action centrale dopaminergique, administrée en sub-lingual. Moins active que les produits précédents.
- Les vaso-dilatateurs actifs uniquement par injection intra-caverneuse (IIC), papavérine, phentolamine, et surtout prostaglandine E. La plupart procurent une érection dans les minutes qui suivent l’injection, sans qu’il soit besoin de stimulation sexuelle.
- On peut aussi provoquer l’érection par aspiration puis blocage élastique de la base du pénis, à l’aide d’un dispositif appelé vacuum.
- Enfin il existe des prothèses péniennes, semi-rigides, malléables, ou gonflables, à insérer chirurgicalement dans les corps caverneux.
L’EP peut être traitée par les inhibiteurs sélectifs de la sérotonine ou la clomipramine, à des doses souvent faibles, à la demande ou en continu. L’efficacité de la clomipramine, de
la paroxétine et de la sertraline a été démontrée dans des études en double insu contre placebo.
Choix du traitement
Il ne dépend que partiellement de l’étiologie. Si les troubles organiques ne peuvent pas être traités par sexothérapie, les troubles psychogènes ne répondent pas obligatoirement à la sexothérapie, mais peuvent aussi être traités par médicaments, vacuum ou prothèses.
Dans le cas de troubles liés à des facteurs psychologiques prédominants ou exclusifs, le choix du traitement dépend des préférences du patient et de l’efficacité des traitements antérieurs. Le thérapeute expose les traitements possibles pour un trouble et un sujet donnés, et guide par ses informations le choix du patient.
Lorsqu’il existe un ou une partenaire stable, son implication dans le choix du traitement est souhaitable. De même un accompagnement sexothérapique est souhaitable dans tous les
cas, y compris avec les traitements les plus médicaux et les cas les plus organiques. Il peut être aussi difficile de s’adapter au rétablissement plus ou moins artificiel de la fonction sexuelle qu’à sa défaillance.
Paraphilies
Caractères généraux
« Les caractéristiques essentielles d’une paraphilie sont des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles, ou des comportements, survenant de façon répétée et intense, et impliquant : 1) des objets inanimés, 2) la souffrance ou l’humiliation de soi-même ou de son partenaire, 3) des enfants ou d’autres personnes non consentantes ; et qui s’étendent sur une période d’au moins 6 mois ».
Il s’agit des troubles anciennement appelés perversions sexuelles.
Le terme paraphilie désigne étymologiquement une sexualité déviante quant à son but et son objet. Le caractère déviant ne suffit pas à définir ces troubles ; il faut lui ajouter :
l’intensité du désir qui leur est lié, et son caractère répétitif.
Epidémiologie
Il n’existe pas d’étude épidémiologique des paraphilies. Les données existantes viennent de la justice. Les consultations spontanées sont rares. " …l’importance du marché commercial de la pornographie paraphilique … suggère que sa prévalence dans la communauté est probablement plus élevée. " Les problèmes les plus couramment rencontrés dans les lieux spécialisés dans le traitement des paraphilies sont la pédophilie, le voyeurisme et l’exhibitionnisme… Approximativement la moitié des sujets qui consultent pour paraphilie sont mariés.
Clinique
Les troubles sont répertoriés en fonction de la focalisation paraphilique. On distingue ainsi parmi les paraphilies fréquentes :
- l’exhibitionnisme : « …consistant à exposer ses organes génitaux devant une personne prise au dépourvu par ce comportement »
- le fétichisme : « …utilisation d’objets inanimés, par exemple des sous-vêtements féminins ».
- le frotteurisme : « …acte de toucher et de se frotter contre une personne non consentante ».
- la pédophilie : « …activité sexuelle avec un enfant ou des enfants prépubères (généralement âgés de 13 ans ou plus jeunes). Le sujet présentant une pédophilie doit avoir au moins 16 ans et au moins 5 ans de plus que l’enfant ». L'attirance sexuelle peut concerner les garçons, les filles ou les deux.
- le masochisme et le sadisme sexuels, dans lesquels le stimulus paraphile est la souffrance subie ou infligée.
- le transvestisme fétichiste, qui est le fait, pour un homme hétérosexuel, de se travestir plus ou moins complètement en femme et de s’imaginer ainsi être une femme.
- le voyeurisme : « …consistant à observer une personne nue, ou en train de se déshabiller, ou en train d’avoir des rapports sexuels, et qui ne sait pas qu’elle est observée ».
Formes cliniques et évolution
Les caractéristiques paraphiliques peuvent être obligatoires et toujours être nécessaires à l’acte sexuel, ou épisodique, (par exemple liées au stress ou à la consommation de toxiques).
Les actes paraphiliques peuvent être vécus sans aucune culpabilité et le problème des sujets est alors celui des conséquences sociales de son comportement. Chez d’autres paraphiles, leur activité s’accompagne de culpabilité, honte, ou dépression. Les paraphilies peuvent débuter dans l’enfance, mais s’installent vraiment au moment de l’adolescence ou chez l’adulte jeune. Leur évolution tend à être chronique, avec une intensité fluctuante.
Elles sont souvent associées entre elles. Dans 90 % des cas il s'agit de sujets de sexe masculin. Les malades mentaux avérés sont peu fréquents parmi les délinquants sexuels (4 %). Par contre, des troubles de personnalité de type psychopathique ou antisocial sont fréquents chez les violeurs.
Les paraphilies qui impliquent un partenaire non consentant (viol) ou un enfant (pédophilie), ou encore l'exhibitionnisme, tombent sous le coup de la loi. On parle alors de délinquance
sexuelle. Les sanctions légales sont lourdes et le caractère récurrent des troubles expose le sujet à la récidive, qui sera plus lourdement sanctionnée encore.
Psychopathologie
On peut essayer de comprendre les paraphilies comme des obsessions, comme un trouble du contrôle des impulsions (comme le jeu pathologique ou la kleptomanie), ou comme un comportement de type addictif, ou addiction comportementale.
La force du désir paraphile, l’incapacité du sujet à lui résister malgré les inconvénients légaux très sérieux qu’il implique, et son caractère répétitif, sont en faveur de l’hypothèse addiction.
On décrit d’ailleurs un trouble addiction sexuelle – non reconnu par les nomenclatures internationales – dans lequel des comportements sexuels non déviants, par leur fréquence et
leur retentissement social, entraînent des inconvénients sérieux, et que sujet ne peut contrôler malgré cela. Cette définition, calquée sur celle des addictions aux substances, peut également s’appliquer aux paraphilies.
Parmi les facteurs de risque de récidive de délinquance sexuelle, on distingue le type de paraphilie (les pédophiles homosexuels sont à fort risque de récidive), les antécédents de délinquance sexuelle, l'existence d'un retard mental, la mauvaise observance du traitement.
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Traitement
But du traitement
Le but principal est essentiellement pragmatique : (1) supprimer les comportements paraphiles, nuisibles au sujet et éventuellement à autrui, (2) améliorer la qualité de vie du sujet et atténuer sa souffrance
Les psychothérapies
- les psychothérapies non directives sont en général inadaptées et inefficaces.
- il existe des méthodes psychothérapiques spécifiques d’inspiration cognitivo-comportementale, dont le caractère principal est d’être directives et contrôlées.
Elles visent à la prise de conscience des conséquences de la paraphilie, à apprendre à éviter les occasions de la mettre en œuvre, à remplacer les idées et comportement paraphiles par des idées et comportements non paraphiles à améliorer les relations avec autrui, à corriger les distorsions sur la sexualité. Elles ne sont bien pratiquées que par des équipes spécialisées. Elles sont utilisées dans la prise en charges des exhibitionnistes et de certaines paraphilies, lorsque le risque de passage à l'acte est peu important.
Les médicaments
- les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) sont actifs dans le traitement des paraphilies, probablement plus par leur effet secondaire anti-libido que par un effet anti-obsessionnel ou antidépresseur. Actuellement leurs indications sont limitées à l'exhibitionnisme et à certaines formes de pédophilie dont le risque de passage à l'acte paraît peu important.
- Les traitements antiandrogènes sont des traitements très efficaces des paraphilies par suppression du désir. L’absence de désir en général vaut pour le désir paraphile en particulier. Il en existe deux types :
l'acétate de cyprotérone (forme orale) ou les analogues de la GNRH (triptoreline ou leuproreline) (forme injectable à libération prolongée).
Cependant, ils ne sont pas dénués d'effets secondaires à long terme (déminéralisation osseuse surtout) et leur prescription est réservée aux patients chez lesquels un risque de passage à l'acte est élevé (violeur ou pédophile), lorsque les autres traitements sont inefficaces ou encore lorsque le niveau intellectuel du patient est incompatible avec une psychothérapie.
Ces traitements antiandrogènes ne peuvent être prescrits qu'avec le consentement du patient, après s'être assuré de l'achèvement de la puberté et de l'absence d'anomalies hormonales.
La durée pendant laquelle le traitement antiandrogène doit être poursuivie ne fait pas l'objet d'un consensus.
Législation
La loi du 17 juin 1998, relative à la répression et à la prévention des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, a modifié les conditions de détention du sujet, mais aussi celles de l'aménagement des peines.
Le juge d'application des peines devient un élément central du dispositif, articulant le soin et le judiciaire.
Si un suivi socio-judiciaire est mis en place par le juge, après expertise médicale, il comporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous contrôle du juge d'application des peines et pendant une durée déterminée par le jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance (pouvant comprendre une injonction de soins) destinées à prévenir la récidive. Aucun traitement ne peut être entrepris sans le consentement du condamné, mais si ce dernier refuse les soins proposés, l'emprisonnement peut être mis à exécution. L'incitation aux soins, si elle est nécessaire, peut débuter en détention, et être poursuivie après la sortie La loi a prévu d'instituer un médecin coordonnateur à côté du médecin traitant pour servir de relais entre le médical et le judiciaire.
POUR EN SAVOIR PLUS
"Troubles des conduites sexuelles diagnostic et traitement"
F Thibaut - EMC - Psychiatrie 37-105 G10 de 2000 (9p)
Rédaction : J. Tignol - F.Thibaut
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