Les femmes hypersexuelles

Je m’appelle Charlotte, j’ai 50 ans et deux filles de 17 et 20 ans. J’ai eu une enfance heureuse, j’étais bien. J’ai cinq sœurs et trois frères. Mon père était un peu sévère : on ne pouvait pas sortir ni aller dans les dancings. Il fallait toujours que tout le monde mange ensemble, il aimait que toute la famille soit réunie. Mes frères, eux, pouvaient sortir. Chez nous, les garçons sont plus libres que les filles. Mon papa n’était pas un homme violent, c’était un homme sévère, strict. Mais on pouvait s’habiller comme on voulait et se maquiller.

J’ai vécu chez mes parents jusqu’à l’âge de 29 ans. J’étais la plus âgée et je jouais un peu le rôle de maman car ma maman ne savait pas bien parler le français. Donc c’était moi qui allais acheter les chaussures de mes frères et sœurs avec eux, qui préparais les mariages, les communions, ...

J’ai toujours travaillé sauf quand j’ai eu ma deuxième fille. J’ai arrêté, car on me proposait un mi-temps. Puis j’ai recommencé. Je ne travaille plus depuis trois ans. Mon mari ne m’a jamais demandé d’arrêter de travailler. Au contraire, il fallait que je travaille pour ramener de l’argent. Mon mari était facteur et à ce moment-là, il travaillait la nuit, à 4 h du matin.

Pendant nos fiançailles, il était charmant : on allait boire un verre, on allait au restaurant, au cinéma, on allait voir ma famille. C’était un homme galant : il m’ouvrait toujours les portes. Tout ce que je faisais était bon pour lui. D’ailleurs, il avait une maison du côté de Charleroi, et il l’a vendue pour venir habiter par ici. Je pouvais continuer à voir mes copines, m’habiller comme je voulais. Il n’était pas jaloux. On se voyait tous les après-midi. Donc, je n’ai pas vu que c’était un alcoolique, car il buvait toujours le soir. C’était un bon vivant, il me disait qu’il aimait bien boire un verre, mais cela ne m’a jamais inquiétée car mon père aussi aimait boire un verre, mais raisonnablement.

C’était un garçon malheureux. Son père a quitté sa mère, et il a été placé à l’âge de deux ans. Puis sa mère l’a repris, mais elle l’a replacé à l’âge de 13 ans car elle ne savait pas en faire façon. C’était un vagabond, et donc, il n’a pas vécu dans un bon contexte familial, il n’avait pas un esprit de famille comme chez moi. J’ai été de ce fait plus compréhensive avec lui car je me disais que comme il n’avait jamais vécu dans une famille unie, il avait du mal à vivre normalement avec nous.

La violence a commencé quand on s’est mariés. Elle était d’abord psychologique et morale. A partir de là, j’ai eu deux maris, un charmant et un démon. Quand il avait bu, si ça ne se passait pas comme il le voulait, il cassait tout : la table, la vaisselle. Et je lui donnais toujours raison même quand il avait tort pour ne pas augmenter la dispute. Mais le lendemain, quand je lui disais, il me disait de ne plus parler de cela, qu’on était bien, calmes. Il me demandait si je cherchais encore de la dispute, alors je me taisais. C’était un homme qui cherchait les problèmes, aux voisins, à ses collègues et quand on les cherche, on les trouve. Mais il disait que c’était les autres qui lui cherchaient misère.

Il était très autoritaire, dominateur avec nos filles. Elles avaient très peur de lui et même actuellement, elles ne veulent toujours pas le voir. Elles devaient rester assises sans bouger, ne pas boire en mangeant. Elles devaient nettoyer sa volière avec un couteau ou une fourchette, ramasser les affaires qu’il avait jetées dans la pelouse (tiroir rempli de mouchoirs, d’essuies, ...). Elles ne pouvaient pas jouer avec les voisins. Il voulait des oies, des chiens, des oiseaux, des chats, des hamsters. Mais c’était les enfants qui devaient nettoyer les crasses. Il pouvait donner un animal sans s’occuper que ses filles s’y soient attachées.

Une fois qu’il avait bu, il a obligé ma fille de 8 ans à conduire sur l’autoroute et il lui a dit de ne rien me dire sinon il me tuait. Souvent, il les punissait pour rien dans leur chambre sans livre, sans écrire et sans musique. Quand il avait bu, on devait être là, à sa disposition. Je ne pouvais pas sortir. Mais je ne répondais pas, je ne le contredisais pas, je me sentais coupable. Je me disais que peut-être, je ne savais pas m’y prendre avec lui et que c’était pour cela qu’il buvait. Le plus dur, c’est qu’on ne pouvait jamais parler de nos problèmes, car sinon, il disait que je cherchais la dispute.

 

Quand les enfants ne faisaient pas ce qu’il disait comme il le disait, il lui arrivait de leur mettre une claque et elles avaient tellement peur qu’elles faisaient pipi sur elles. Quand il avait bu, nous étions ses servantes, nous devions lui obéir au doigt et à l’œil. Mais comme de toute façon, quoi que nous fassions, ce n’était jamais bien, c’était toujours le bordel. Et comme il buvait tous les jours, c’était comme cela tous les jours. Tous les jours, il nous menait à la baguette, il cassait des choses, brûlait des nappes, jetait mes linges dans la rue, jetait la nourriture ou faisait du chantage au suicide. Il lui arrivait quelques fois de prendre des médicaments devant nous ou de prendre un couteau et de se couper les veines.

Quand je n’en pouvais plus, je partais dans ma famille, mais il revenait me chercher en me disant qu’il n’allait plus boire, qu’il allait se soigner. Et j’y croyais parce que, pendant que je restais là, il ne buvait pas un verre, il était toujours à sang frais. Et j’avais beaucoup de mal à partir, car le matin à jeun, d’une certaine manière, il m’achetait, il disait qu’on allait faire plein de choses. Il carrelait, faisait le jardin, il mettait la main à tout. Il était vraiment charmant, et une fois qu’il avait bu, c’était fini, ce n’était plus le même homme.

Il cherchait des problèmes à tout le monde, menaçait ma famille avec sa 22 long, achetait sans se soucier de nos moyens (grosse voiture, chiens, ...). Il n’a pas voulu que je veille mon père à sa mort. Il battait ses animaux. Je calmais toujours les choses car, pour moi, la famille c’était important. Je voulais qu’on mange tous ensemble et puis qu’on aille se promener. Je recherchais cela, alors j’évitais les conflits et lui donnais toujours raison. Et quand je lui demandais les raisons de son comportement, il disait que c’était de ma faute.

La violence physique a commencé le jour où j’ai refusé qu’on achète un terrain à bâtir à côté de la maison pour y faire un terrain de jeux pour les enfants. C’était la première fois que je ne voulais pas faire quelque chose qu’il disait. Ce jour-là, il a tout cassé dans la maison, il a appelé la police parce que je ne voulais pas signer la promesse d’achat. Il a porté les enfants chez ma mère et quand il est revenu, il m’a battue, j’avais le visage tout noir.

A partir de ce jour-là, je n’ai plus eu qu’un homme méchant, même quand il n’avait pas bu. Ce n’était plus le même qu’avant, il était agressif, cherchait toujours les conflits. Il m’a battue régulièrement, même devant les enfants. Cela a encore duré plus ou moins un mois.

Un jour, ma belle-sœur m’a donné le numéro du Refuge. Un jour, il voulait encore que je signe pour le terrain, je n’ai pas voulu et il m’a dit que si je restais là le week-end, il me tuait. Alors, j’ai décidé d’aller chercher mes enfants à l’école, et je suis allée au Refuge pour Femmes Battues. Je suis restée là six mois. Heureusement que je les ai eues pour mes démarches, pour me réinstaller. On m’a montré que ce que je vivais était grave, que ce n’était pas ma faute, que j’en avais déjà beaucoup trop supporté.

Maintenant, cela fait 8 ans que je vis seule avec mes filles. Je me suis acheté de beaux meubles petit à petit et je suis fière de ma maison. Je vais bien malgré quelques problèmes de santé dus au stress (ulcères, hypertension) car je gardais toute ma colère en moi, je n’osais pas l’affronter. Mes filles n’ont plus jamais voulu voir leur père. Quand il leur arrive de le croiser en rue, elles changent de trottoir. Quelques fois, il me téléphone encore et il me dit que maintenant notre couple ne marcherait plus car je suis méchante. Ma famille me bourre la tête. Or, je ne suis pas méchante mais maintenant j’ose lui répondre, lui dire non et cela, cela ne lui plaît pas. Maintenant, je pense que si je lui avais répondu, la violence physique aurait commencé plus tôt, que l’alcool était quelque part une excuse, que dans le fond, il était méchant mais à sang frais, il n’osait pas m’affronter.

Je pense qu’il faudrait faire beaucoup plus de publicité sur des lieux où peuvent se réfugier les femmes battues car beaucoup de femmes restent chez elles car elles ne savent pas où aller. Il y a encore des milliers de choses à raconter, je pourrais écrire un roman.

 

Sophie : une fois de plus, votre expérience est bouleversante, et parle d’elle-même. Bravo d’avoir eu le courage de partir. Toutes les femmes ne l’ont pas, car leur volonté est totalement annihilée par celle de leur mari violent.

Puissent-elles trouver, comme Kilana, la force de faire comme vous !

En tout cas, si vous avez encore envie d’écrire, le blog vous est grand ouvert !

Ven 4 sep 2009 5 commentaires
Triste constat : en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son mari ou de son compagnon, et deux millions sont victimes de violences conjugales, soit 20% des urgences médicales.
Et qu’on n’imagine pas que seules les couches défavorisées de la population sont atteintes. Ce phénomène touche toutes les catégories socio professionnelles. Des personnalités comme Rihanna, Valérie Damidot, Lio et Diam’s ont témoigné publiquement. Une décision difficile à prendre. Souvent, elels ne veulent pas porter plainte, par peur, par honte. Un sentiment partagé par quasiment toutes les femmes battues. Par peur et parce qu’elles veulent croire que l’attitude de leur compagnon va changer, elles hésitent à porter plainte. Certaines régions sont plus atteintes que d’autres. En tête de ce triste record, la Région Parisienne suivie par le Nord Pas de Calais.
Jeanne - le 05/09/2009 à 09h01
Les femmes victimes de violences conjugales vivent des situations dramatiques et demandent de l'aide
Partir, rester, attendre que ça s'arrange, protéger les enfants... Les femmes battues se posent des questions cruciales auxquelles elles ne savent pas bien comment répondre
La plupart des témoignages insiste sur la nécessité absolue de partir, trouver le courage de quitter le domicile conjugal. Les maris peuvent se soigner, mais c'est une démarche personnelle que tous ne veulent pas entreprendre.
La question des enfants est au coeur de nombreux témoignages. Beaucoup de femmes battues restent pour leurs enfants, pour ne pas les séparer de leur père qu'ils aiment, mais un enfant ne PEUT pas être heureux en voyant (ou devinant) sa mère violentée. C'est au contraire une grande violence pour lui. Même s'ils vivent mal la séparation, elle sera toujours préférable à mon sens. Et tant que leur père n'est pas violent avec eux, ils peuvent continuer de le voir.
Doc - le 05/09/2009 à 18h30
Merci, Doc, de vos remarques toujours pertinentes. Les pages de ce blog vous sont grandes ouvertes !
Sophie
Mon mari a été violent à plusieurs reprises. Je n'accepte pas ses gestes violents mais comme il a vite repris contact avec son psy je veux encore y croire et lui laisser une chance car nous avons eu des périodes très très heureuses, sans violence, et sa violence n'a jamais été coutumière... C'est sûr que même une fois c'est impardonnable mais quand on aime quelqu'un c'est dur de le condammner. On veut y croire et je veux y croire.
Corynthe - le 06/09/2009 à 08h45
Corynthe, je vous souhaite tout le bonheur du monde, mais surtout, n'acceptez plus aucun  geste violent de sa part. S'il recommence, alors qu'il est suivi, ca signifie que rien ne le guerira...
Par contre, en parallèle, vous pourriez peut-être suivre une thérapie de couple, pour qu'il sache ce que vous pensez réellement, quelles sont vos limites. Avoir un médiateur permet de mieux parler dans ces cas-là, sans crainte de retour de bâton. Il prendra aussi mieux la mesure de ce qu'il peut perdre en vous frappant à nouveau.
Bon courage à vous, et n'hésitez pas à venir parler ici...
Sophie
J’ai rencontré ce type-là à l'hôpital. Lui était en cure de désintoxication, je ne le savais pas. Au début, il était gentil. On s'est vite mis ensemble car il était tout seul et moi aussi. Je suis allée chez lui. Mais très vite, il s'est remis à boire et il ne supportait pas que je m'occupe de mon fils le week-end (il revenait de l'internat).

Avant de le connaître, je me maquillais tous les jours. Avec lui, je n'avais plus besoin de me maquiller comme je ne sortais pas. Il fallait faire les choses comme il voulait, quand il voulait, même la nourriture.

Puis il y a eu une première grosse dispute et je suis partie mais il est venu me rechercher et je suis retournée car mon fils, pensionnaire, j'étais isolée. Je ne voyais plus ma famille car il m'avait fait vendre ma voiture car on n'avait pas besoin de deux voitures. Mais je ne pouvais pas avoir la sienne. C'est la somme de plein de petites choses qui paraissent insignifiantes mais quand on fait le bilan !!!

Au matin, avant d'aller travailler, il m'aurait bien fait mon emploi du temps, les produits à utiliser ... Au bout d'un moment, on ne répond plus car il démontrait toujours par a + b qu'il avait toujours raison et moi tort. Financièrement, il me prenait tout car il disait que j'étais nourrie, blanchie ... Je ne m'accordais plus aucun plaisir. Alors qu'avant, j'étais indépendante, j'ai vécu toute seule avec mes deux gamins, j'avais mon auto ...

J'avais peur quand venait le moment où il revenait du travail. Je passais toutes les pièces en revue pour qu'il n'ai rien à redire mais il trouvait toujours quelque chose. Quand on te fait au refuge. Ca m'a permis de prendre des distances par rapport à lui, il fallait que je passe par ici. J'ai appris un tas de choses que je ne connaissais pas avant par rapport aux lois, aux services.

Maintenant, j'ai un beau studio, je travaille énormément mais je suis bien. Plutôt crever que de retourner avec. Cela fait 8 mois et il vient encore m'embêter, faire des menaces si je ne retourne pas avec. Il m'a beaucoup fait douter de moi, je commence peu à peu à me réaffirmer mais j'ai peur d'encore me tromper si je rencontrais quelqu'un.
Jacqueline - le 07/09/2009 à 06h48
Jaqueline, je suis désolée de vous repondre si tard, j'ai eu un bug dans mes commentaires !
Je publie votre texte dans le blog dès ce soir. Avec toutes mes excuses !
Pourtant, je pense qu'il manque un morceau de votre témoignage, dans l'avant-dernier paragraphe.
Sophie
Je m'appelle Soraya., j'ai trois enfants et je suis d'origine marocaine.J'habite aujourd'hui en Belgique. Je me suis mariée je n'avais même pas 15 ans. C'était un mariage arrangé au Maroc. Je ne voulais me marier mais ma mère voulait car elle croyait qu'elle allait mourir et pour l'argent aussi. Le jour même du mariage, il m'a déjà battue parce que je ne voulais pas avoir de rapports sexuels. J'étais pleine de sang. Après 15 jours de mariage, il m'a ramenée en Belgique dans le coffre de la voiture. On a vécu chez mes beaux-parents pendant plus ou moins 8 mois. Je ne le voyais presque pas, il était toujours dans les cafés, il rentrait tous les 2 ou 3 jours dans la nuit. Pendant cette période, il m'a claqué la tête contre le mur, je suis tombée dans le coma, je suis restée deux mois à l'hôpital. Je n'avais pas de papiers, on m'a fait passer pour ma belle-soeur. Je ne sais pas ce que j'ai eu car on parlait flamand et je ne comprenais pas. Il ne s'est même pas excusé, il n'avait aucune pitié.

Quelques temps après, je suis tombée enceinte de mon premier enfant. A ce moment-là, je me suis demandée ce que j'allais faire. Je me suis encore sentie plus liée à lui. Si j'avais eu mes papiers, je crois que je serais partie. Je n'avais pas de papiers parce qu'on croyait que c'était un mariage blanc. J'ai tout essayé pour le faire partir, je me jetai pas terre .. mais il a tenu bon. Quand j'étais enceinte de 7 mois, mon beau-père nous a mis dehors et on a emménagé dans une maison. Il n'y avait pas de chauffage, de nourriture, il rentrait tous les 5, 6 jours. Je ne pouvais pas me plaindre de cela à lui car sinon, il me mettait dehors en combinaison et me faisait descendre la rue comme cela ne plein mois de février. Je devais mettre la djellaba ... alors que dans ma famille, on ne vivait pas comme ça. Je ne pouvais pas sortir car mes beaux-parents me surveillaient. Puis il a voulu déménager pour échapper au regard de ses parents, pour pouvoir faire tout ce qu'il voulait. Il a fallu se réhabituer à une autre maison., très grande. Là, je n'étais plus surveillée mais il fermait la porte à clé quand il s'en allait.

Là, il a commencé à ramener des femmes à la maison. J'étais obligée de leur servir le thé, voir s'il n'avait besoin de rien sinon j'étais battue. Puis j'ai accouché de mon fils. Je n'avais pas le droit de me plaindre sinon il frappait mais il m'a quand même emmené à l'hôpital.

J'ai fait une dépression, je me suis sentie seule, je pensais à ma famille. De 80 kg, je suis passé à 46 kg. L'argent de la prime de naissance est passée dans la drogue, je n'avais rien pour le gamin. Heureusement, que mon oncle de France a acheté des choses sinon je n'avais rien. Après, ça a continué comme avant. Il ne rentrait pas. Je n'avais pas de chauffage, rien à manger et si je me plaignais, il me mettait dehors en pleine nuit. J'allais en cachette chez une voisine demander un carton de lait. Une fois, il a mordu le gamin, il a hurlé. Je lui ai demandé pourquoi il avait fait cela. Cela ne lui a pas plu : il m'a battue avec le fil de la radio. je n'ai plus pu bouger pendant plusieurs jours. .

Avant d'avoir mes papiers, je n'osais pas partir car j'avais peur d'être renvoyée chez ma mère et j'avais peur de ma mère et de mon oncle. Et quand j'ai eu mes papiers, j'avais peur de lui et peur de perdre mes enfants. Je me sentais paralysée, j'avais l'impression que toutes les grilles étaient fermées.

Presque tout de suite après, je suis de nouveau tombée enceinte mais il l'a fait partir avec des coups, il me frappait au ventre. J'avais des hémorragies mais il ne voulait pas que j'aille à l'hôpital. Je me soignais moi-même avec des plantes.

Puis je suis tombée enceinte de mon deuxième fils et on a encore déménagé. On a vécu de la même marnière, j'étais enfermée à clé. J'ai accouché chez moi car il n'était pas là et l'ambulance est arrivée trop tard (j'avais demandé aux voisins de l'appeler). Il est arrivé et il a dit : "Qu'est-ce qu'il a ? Il est crevé ?" en regardant le bébé à terre. Je suis partie à l'hôpital. Mon gamin est allé en pédiatrie et moi en maternité. Il ne venait pas nous voir. J'étais triste, j'avais envie de mourir. Il devait venir nous chercher à l'hôpital, il n'est jamais venu, il était dans les cafés. Quelqu'un d'autre a dû me ramener. Quand il est rentré, il m'a battue. Il disait que j'aurais dû l'attendre.

Puis on a encore déménagé. La police venait tous les jours avec les chiens pour chercher la drogue. La vie était la même qu'avant : les femmes ... Puis il m’a déposée au Maroc dans une maison de sa famille, seule pendant un an. Je n'osais pas me plaindre à ma mère car j'avais peur qu'elle tienne avec mon mari. C'est le grand-père de mon mari qui m'a aidée. Il nous a payé le billet d'avion pour revenir en Belgique.

Je suis retournée chez mes beaux-parents, j'ai eu une hémorragie donc mon gynécologue m'a donné la pilule. Mon mari s'en est rendu compte. Alors il m'a pissé dedans. J'étais la bonniche, je nettoyais, je faisais la bouffe pour 12 personnes. Puis on a acheté une maison et je suis tombée enceinte de jumelles et il me les a fait perdre à 7 mois ½ de grossesse. Il sautait sur mon ventre. Plus il voyait de sang, plus il sautait. Il me disait : "Crève et je veux voir ce que tu as dans le ventre crever aussi". Je suis allée à l'hôpital, j'étais toute bleue. Mon gynécologue m'a donné l'adresse d'un avocat. Mais j'ai jeté la carte car je pensais qu'il fallait beaucoup d'argent pour prendre un avocat.

Puis il a commencé à frapper mon 2e fils, il ne le supportait plus, il demandait à l'aîné de le frapper. Une fois, il l'a pris par les pieds, a mis sa tête dans le wc et tirait la chasse.

Je me mettais toujours entre eux pour recevoir moi-même les coups. Puis j'ai eu mon 3e fils et puis encore une fausse couche. J'ai commencé à parler à des assistantes sociales car j'avais peur pour mes enfants. On a exigé qu'une assistante sociale passe à la maison pour voir les enfants. Après chaque visite de l'A.S., il était méchant avec le gamin et je me mettais entre. il me disait qu'il me crèverait, que je finirais dans le congélateur car de toute façon j'étais orpheline, que le gamin avait la sale gueule de sa mère. Il était méchant avec le gamin pour un oui ou pour un non. Il donnait tout au premier et rien au deuxième.

Les derniers temps avant de partir, il me demandait de lui faire à manger en pleine nuit et me menaçait de jeter le bébé par la fenêtre si je ne le faisais pas. Il tenait le bébé dans le vide, en chemisette en plein mois de décembre. J'ai appelé l'A.S., j'étais décidée à partir, j'étais au courant qu'il existait des maisons d'accueil. J'ai fait deux maisons d'accueil avant d'arriver au refuge car je n'étais pas en sécurité dans ces maison-là. Une fois que je suis arrivée au refuge, j'étais soulagée. Le seul regret que j'ai, c'est que je sois restée si longtemps mais je pensais que la loi belge m'obligerait à retourner avec mon mari. Je suis restée six mois au refuge pour femmes battues. J'ai été bien reçue, j'étais en sécurité et mes enfants aussi. J'étais chez moi. Je m'entendais bien avec tout le monde, personne ne me donnait des ordres. On m'a aidée à reprendre confiance en moi. J'ai suivi une formation à l'affirmation de soi au refuge. Maintenant ça fait 6 ans que je vis seule avec mes trois enfants. j'ai des contacts réguliers avec le refuge. Mon ex-mari vient de temps en temps chercher le plus grand des gamins. Il ne m'agresse plus parce que je lui montre que je n'ai plus peur de lui. Mais après tout ce temps, dans sa tête à lui, je suis encore sa femme. A l'heure actuelle, je vais à l'école, j'apprends à lire et à écrire en français. Je travaille avec des femmes.

J'ai envie de dire à toutes les femmes que dès qu'elles sentent que quelque chose ne va pas, il faut partir. Je suis persuadée qu'il y a encore beaucoup de femmes qui ne savent pas qu'il existe des maisons d'accueil et c'est dommage car si je l'avais su plus tôt, je serais partie beaucoup plus tôt.
Soraya - le 09/09/2009 à 06h26
Merci Soraya de votre témoignage terrible, une fois de plus, mais qui montre qu'il y a de l'espoir...
je publie votre texte dans le blog.
Bon courage à vous.
Sophie