Les femmes hypersexuelles

Sophie, je trouve votre blog formidable et j'ai envie de témoigner de ce que j'ai subi.

Je m’appelle Françoise, mon père buvait et frappait ma mère. A la fin, il la frappait toutes les semaines. Ma mère en a eu marre. Elle a rencontré quelqu'un d'autre et a quitté mon père. A partir de ce moment-là, j'ai été ballottée d'un coin à l'autre (chez mon père, chez ma mère). L'homme qui vivait avec ma mère était violent avec moi et mes frères et sœurs.

Adolescente, je n'ai pas fait des choses de mon âge. Ma mère préférait que je n'aille pas à l'école pour l'aider à nettoyer. Je ne pouvais pas sortir. C'est pour cela que je n'ai pas fait de hautes études.

J'ai rencontré mon mari à 16 ans 1/2. Mon mari a demandé ma main à ma mère, et ma mère m'a poussée dans ses bras comme elle l'a fait avec mes autres sœurs.

Au début, ce n'était pas l'amour fou, mais j'ai surtout été attirée par ses parents. Ils étaient très gentils avec moi, ils me donnaient l'affection que je n'ai pas eue de mes parents.

Je me suis fiancée à 17 ans. Je pensais que je vivais un conte de fées. Sa famille m'offrait plein de cadeaux et l'affection que je n'avais pas eue de ma famille.

J'ai arrêté d'aller à l'école et j'ai commencé à travailler. Il voulait déjà à ce moment-là m'empêcher de travailler, car on allait bientôt se marier.

 

Puis j'ai reçu mon préavis. Dès les fiançailles, c'est lui et sa famille qui m'achetaient mes vêtements à leur goût. Je n'ai pas pris attention car ce qu'ils m'achetaient me plaisait et ma mère ne nous achetait jamais de vêtements. On a eu quelques petites querelles mais rien qui m'ait alarmée.

Je me suis mariée à 18 ans. J'ai eu ma première claque deux mois après le mariage car j'ai voulu aller passer un entretien d'embauche et il ne voulait pas. Pour lui, une femme devait rester à la maison. J'ai quand même passé l'examen mais je l'ai raté.

Puis, quand j'ai été enceinte, il a commencé à devenir vulgaire. Quand je devais aller chez le gynécologue, il disait : "Tu vas encore écarter les jambes..."

Quand j'ai été enceinte de 7 mois, il m'a poussée dans les escaliers. Après l'hôpital, je suis retournée chez ma mère, mais mon mari et ma belle-famille m'ont convaincue de réessayer pour le bébé.

 

Ma mère aussi me faisait comprendre que je ne pourrais pas rester chez elle. Je suis donc retournée. Jusqu'à la naissance, ça a été, il a été correct.

Après l'accouchement, j'ai fait une dépression car je voyais que mes beaux-parents prenaient emprise sur mon fils et cela a continué. Après quelques mois, je me suis doutée qu'il avait une maîtresse et je lui ai demandé. Il a alors vu que je me "réveillais" et les disputes ont commencé : "Pute comme ta mère".

Puis il s'est installé comme médium. Il recevait des gens même la nuit. Je n'avais que le droit de me taire et de faire du café en pleine nuit. Ma maison était toujours remplie, mais je n'avais rien à dire. Je devais me taire, ne pas répondre sinon il s'énervait.

 

Ma belle-famille me disait de ne pas répondre car il était malade des nerfs. C'est toujours ce qu'on me disait. Tous les mois, on avait une querelle, il me traitait de tous les noms ("sale bâtarde", "pute", "tu ne sais rien faire", ...)

Quand Mathieu a eu 11 mois, j'ai recommencé à travailler. Au début, il a bien voulu puis il a voulu que j'arrête. Puis j'ai de nouveau été enceinte et il a voulu que j'avorte, et moi pas. Et là, a commencé le calvaire. Après les grossièretés et les disputes sont venus les coups parce que je lui ai tenu tête. Puis j'ai vu des indices qui prouvaient qu'il avait une maîtresse. Et cela ne lui plaisait pas.

A 6 mois de grossesse, j'ai dû arrêter de travailler parce qu'il y avait des complications. Sa violence a augmenté. Ses parents se mettaient toujours entre nous. Une fois, il a même frappé son père. Mais il y avait encore des accalmies. Ca allait pendant deux ou trois mois puis il remettait cela. Je n'avais rien à dire. J'en avais marre d'aller manger tous les jours chez sa mère. Je voulais avoir mon intimité mais il disait qu'on ferait comme lui, il dirait. Puis il a voulu une petite fille mais je ne voulais pas un troisième enfant avec une vie pareille. Mais il m'a dit que cela irait mieux et je me suis laissée convaincre. Mais il m'humiliait de plus en plus, il me faisait mettre à genoux devant les gens. Sa violence augmentait.

Quand les enfants ont commencé à grandir, la violence devenait de plus en plus régulière et plus forte et devant les enfants. Le dernier mois, il ne se calmait plus. Plusieurs jours d'affilée, il m'empêchait de dormir... J'avais peur, je ne dormais plus, je ne mangeais plus correctement. Les enfants aussi avaient peur. Il m'obligeait à rester nue devant les enfants et les coups qu'il me donnait étaient apparents.

Je pensais déjà partir depuis un moment mais ce qui m'a poussée à partir, c'est qu'il ait frappé à coups de ceinture les enfants parce qu'ils ne trouvaient pas la télécommande, qu'il ait fait mettre les garçons à quatre pattes et demander à la gamine de les frapper. Et aussi le fait que des voisins ont prévenu la police, car ils ont entendu tout ce bordel. Il a été en fureur, et un de ses amis m'a dit de partir car sinon il me tuerait.

La gendarmerie m'a conduite au Collectif pour Femmes Battues.

Ce jour-là, si je n'étais pas partie, soit c'était lui qui me tuait soit c'était moi tellement j'avais des idées noires dans la tête. J'avais vraiment de la haine pour lui les derniers temps, je n'avais plus envie de lui parler. Il y avait comme une planche en bois entre nous.

Quand j'étais dans la voiture des gendarmes pour venir au refuge, mes enfants et moi avons ressenti du soulagement, un sentiment de sécurité. J'ai été très bien accueillie au refuge. Au début, j'ai déprimé car j'ai réalisé que c'était moi qui devais quitter ma maison et que je privais mes enfants de confort.

Puis avec le temps, l'accueil des femmes, ça s'est passé. Les femmes me proposaient de m'accompagner dans mes démarches. On était un bon groupe et petit à petit, j'ai surmonté ma peur. Je revivais. D'ailleurs, je serais bien restée au refuge, je me sentais chez moi. J'ai repris confiance en moi, j'ai extériorisé ma personnalité. J'avais envie de couper mes cheveux, je les coupais. J'avais envie de sortir, je sortais.

Mes enfants ont beaucoup été aidés aussi. On les a aidés à s'extérioriser, à parler de leurs émotions et on les a aussi aidés au point de vue scolaire.

Normalement, on parlait d'enseignement spécial pour un de mes fils. Mais grâce aux éducatrices, mes enfants s'en sont sortis. Ils ont bien été pris en mains et même maintenant si j'ai un problème avec eux, je sais que je peux compter sur elles.

 

Au fil des mois, je suis restée au refuge, je me sentais vraiment bien, je me retrouvais moi-même. Puis j'ai commencé à chercher un logement. J'ai trouvé une maison. Elle m'a plu directement. Maintenant, je vis seule avec mes trois enfants. On est bien, on n'entend plus crier à nos oreilles, on n'a plus peur dès qu'on se lève, on est à l'aise. On a un mode de vie normale. Je suis toujours en contact avec des femmes qui étaient hébergées en même temps que moi. Je passe souvent au refuge et j'en suis très contente.

 

Je ne me suis jamais sentie aussi bien que maintenant, c'est une vraie renaissance pour moi et mes enfants. Et, bien qu'il continue à me harceler, nous gardons le dessus. C'est la première fois que je pars et j'irai jusqu'au bout. Quand je l'ai en face de moi, j'ose lui répondre car on m'a beaucoup aidée à m'affranchir de ma peur au ventre.

Dim 30 aoû 2009 7 commentaires
Merci à Françoise d'avoir envoyé ce témoignage bouleversant. Ton blog Sophie est au service pas seulement des femmes mais aussi de l'humanité. Merci à toi.
Ca fait du bien d'en parler, même si c'est douloureux. J'en ressens encore tant de honte pour ma part. Crois tu que je devrais t'envoyer à ce sujet mon témoignage, dans une version adaptée à ton blog naturellement?
Olga - le 01/09/2009 à 07h19
Ma chère Olga, ce serait avec plaisir que je publierai ton témoignage ici... Gros bisouxxx
Sophie
Il y une vingtaine d’années, j’ai été battue par mon compagnon. Il m’a fallu deux ans pour le quitter. Et pourtant, j’avais autant de caractère qu’aujourd’hui . Les femmes battues ne sont pas des femmes faibles. Souvent, elles sauvent les apparences pour cacher aux autres le drame qu’elles vivent. Lorsque tu es dans cette situation, tu mets beaucoup de temps à accepter que la victime, c’est bien toi et pas l’autre, Au début, tu te dis que c’est de ta faute, que tu as mérité la beigne qu’il t’a donnée. A chaque fois qu’il me battait, c’était par jalousie. Il trouvait que j’avais trop parlé à Untel... C’est bien connu, j’ai tous les hommes à mes pieds !

La première fois qu’il t’en fout une, tu te révoltes. Tu te barres, tu te réfugies chez une copine. Puis il vient te chercher en pleurant, en te suppliant de lui pardonner. Alors tu pardonnes. Et évidemment, ça recommence. Tu te mets à stresser, à te dire que tu as bien dû faire quelque chose pour le mettre dans cet état. Tu deviens la coupable… Tu n’oses plus en parler à personne. Parce qu’en public cet homme qui te bat, c’est un homme charmant. En privé, il devient de plus en plus violent, de plus en plus fréquemment. Puis un jour, c’est la gifle de trop. Tu te rends alors compte que ta vie est en danger et tu pars.
Valérie - le 01/09/2009 à 22h29
Sophie, même si c'est plus rare, il ya aussi des hommes battus. Il s’agit, comme pour les femmes, d'un sujet qui reste tabou dans notre société. L’entourage n’est d’ailleurs généralement pas au courant et il est difficile de franchir le mur du silence.
L'horreur, la barbarie, n'est hélas pas le monopole des hommes. Par exemple, Elisabeth Badinter démontre la participation des femmes nazies au processus de destruction massive pendant la Shoah dans son livre polémique « Fausse Route ».
L’absence de statistiques et de recherches approfondies ne permet cependant pas de mesurer l’ampleur du phénomène. Les plaintes sont évidemment très rares. Il parait évident que la nature a doté l’homme d’une masse musculaire et d’un système hormonal, et il ne s’agit ici que de stéréotypes, qui n’a pas forcément besoin de l’alcool pour exprimer supériorité physique et agressivité. Les violences physiques commises par les femmes sont dix fois moins importantes que l'inverse.Pourtant ça existe aussi et ces hommes font l'objet de mépris et de moqueries.
Jean-Marie - le 02/09/2009 à 23h10
Jean-Marie, tu as tout à fait raison. D'ailleurs, j'ai mis une phrase en ce sens dans le texte de présentation de ce blog.
Si tu as des témoignages, ils sont les bienvenus.
Je pense que le silence est encore plus lourd, car un "homme battu", ca fait toujours rire ! A tort, bien evidemment !
Sophie
En 1999, plus d'un million et demi de femmes ont été confrontées à une situation de violence, verbale, physique et/ou sexuelle.
une femme sur 20 environ a subi en 1999 une agression physique, des coups à la tentative de meurtre
1,2 % ont été victimes d'agressions sexuelles, de l'attouchement au viol. Ce chiffre passe à 2,2 % dans la tranche d'âge des 20-24 ans.
les viols concernent 0,3 % de l'échantillon, chiffre qui rapporté à la population globale donnerait 48.000 victimes (sur 15,88 millions de femmes de 20-59 ans). Ce chiffre a été jugé "effarant" par la démographe Maryse Jaspard (Institut démographique de l'Université de Paris I).
la majorité des violences se produit au sein de la sphère familiale ou privée.
les violences conjugales relevées par l'enquête vont des menaces, chantage affectif sur les enfants, mépris, à la séquestration, la mise à la porte, les rapports sexuels imposés, les coups et la tentative de meurtre. Elles concernent une femme sur 10 vivant en couple en 1999 et 30 % de celles qui s'étaient séparées de leur compagnon au moment de l'enquête. Les plus jeunes sont les plus touchées (15,3 %).
ces violences conjugales relèvent de toutes les classes sociales. Les agricultrices sont les moins atteintes (5,1 %), les étudiantes (12,4 %) et les foyers vivant des allocations chômage ou RMI (13,7 %) les plus affectés.
les agressions physiques ou sexuelles sont rares en dehors du milieu familial ou de la sphère privée (respectivement 1,7 et 1,9 %).
au travail, le harcèlement moral concerne 3,9 % des femmes (situations imposées, critiques injustes, mises à l'écart répétées, ...), les injures et menaces 8,5 %, les agressions physiques 0,6 %. Le harcèlement sexuel, avances ou agressions sexuelles, frappent 1,9 % des salaiées. Une fois sur 5, il s'agit d'un supérieur hiérarchique.
Vanina - le 03/09/2009 à 07h15
Merci pour ces chiffres, qui nous éclairent sur le nombre de violences faiets aux femmes.. C'est effarant, en effet.
Pourriez-vous m'indiquer vos sources ?
Sophie
Jean-Marie a raison. Il y a aussi des hommes qui sont battus et écoutés à la légère. Qui va croire l'homme? En tant que femme j’ai le beau rôle. Si mon mari en parle, on va faire rire de lui.

Ca fait 20 ans je suis mariée. Les trois premières années de mon mariage je frappais mon mari. S’il regardait une fille un petit peu trop belle, je le fessais. Si en regardant la TV, il y avait par malheur une fille en mini-jupe et qu’il ne tournait pas la tête ou ne fermait pas les yeux, il en mangeait une. Je lui ai même déjà fracturé les côtes, l’empêchant d’aller à son travail. Je l’ai déjà frappé avec une ceinture quand il était dans son bain aussi. La nuit je rêvais qu’il partait avec une autre fille et je me réveillais en le fessant, tellement certaine que ça allait arriver un jour ou l’autre. Je le traitais de chien, de sale bon à rien et de mauvais coup. Durant 3 ans, il n’y a pas eu une semaine où il ne s’en ait pas mangé une.
Un jour, j’ai voulu le mettre à bout en le giflant et en lui disant de me frapper. Je lui ai dit qu’il était incapable de se défendre et qu’il avait peur. Il s’est écroulé en pleurant. Du coup, je ne l’ai plus frappé pendant 5 mois. J’ai ensuite recommencé avec une claque qui est partie toute seule, mais mon mari était devenu moins patient qu’au début. Je savais juste quand arrêter avant de le mettre à bout. Je voulais juste qu’il sache qu’il avait mérité cette punition, que je pouvais lui faire mal. Qu’il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait. Durant les 4 ans qui ont suivit, je ne l’ai plus vraiment frappé. A part la fois où je l’ai surpris en train de se masturber. Il savait qu’il était en tort.
Il m’a fallu longtemps pour lui refaire confiance. Je me cachais pour voir ce qu’il faisait et j’espionnais l’historique de son ordinateur pour voir s’il allait sur des sites pornos. J’ai vu un psychologue pendant 9 ans. Tout allait bien jusqu’à se que je le reprenne à se masturber devant la TV alors qu’il regardait un film X. Je savais à l’intérieur de moi que quelque chose n’allait pas. Nous en avons discuté toute la nuit et la semaine d’après je l’ai forcé à regarder des films de sexe avec moi. Au début, il ne voulait pas, mais je l’ai forcé pendant 3 mois. Ca m’a aidé. Je voyais bien que le désir ne venait pas des filles, mais de l’effet de voir du sexe à la télévision... Mon mari m’a ensuite convaincu d’arrêter. Il disait que ça supprimait les préliminaires et que l’on peut devenir accros. En tout cas, je suis devenue moins jalouse.
Aujourd’hui, ça fait 20 ans que l’on est ensemble. Tout va bien, sauf qu’il est resté marqué car lorsqu’une femme est dévêtue à la télévision ou qu’il y a une scène de cul, il tourne la tête ou ferme les yeux au cas où je me fâcherai. J’ai encore de la violence en moi mais je me maîtrise plus. Sauf si un jour je le surprends avec une autre fille. Il le sait aussi.
Béatrice - le 03/09/2009 à 23h05
Votre témoignage est courageux et poignant. Is ovus le permettez, je vais le mettre dans le corps du blog. Bravo poru votre franchise et votre courage.
Sophie
Je vis un calvaire et je me sens vraiment perdue.Je ne sais plus quoi faire. Je suis mariée depuis près de 3 ans à un homme violent. Je suis partie plusieurs fois, mais toujours revenue au domicile conjugal car mon mari assurait qu'il allait changer. Nous avons 2 enfants et aujourd'hui, j'ai mal de ses insultes, ses humiliations, ses persécutions et je souhaite vraiment en finir avec tout ça, je suis persuadée qu'il ne changera pas sauf s'il se fait soigner ce qu'il refuse.
Merci de vos conseils, Sophie
Kilana - le 04/09/2009 à 14h49
Chère Kilana, je crois que je n'ai pas de conseils à vous donner. Vous avez deja les réponses vous-même !
Vous dites vouloir en finir vraiment "avec tout ça." C'est que d'une certaine façon, vous savez deja ce qu'il faut faire. Vous avez aussi la réponse dans le témoignage de Françoise.
Un homme violent avec sa femme ne change JAMAIS.

Il vous faut partir, ou avec les nouvelles procédures contre ces hommes-là, demander à ce qu'il quitte le domicile congugual.

Il faut que vous soyez forte, que vous ne vous laissiez plus aovir par ses promesses bidon.
Fuyez, ou faites-le fuir, avant qu'il ne soit trop tard, pour vous ou vos enfants.
Composez le 3919, vous aurez en ligne des personnes qui pourront vous conseiller sur les démarches à faire.

Si Françoise nous lit encore, je lui demanderai si elle veut bien vous écrire, car elle a connu la meme situation, et vous en parlera sans doute meux que moi !

Je suis déolée, Kilana, j'ai l'impression d'etre impuissante face à vos difficultés. Je me répète, ne restez pas, quittez-le une fois pour toutes. Je serai toujours là pour vous écouter, pour renforcer dans votre décision. Ne faiblissez pas, vous allez vous en sortir !!!
Sophie
Je m’appelle Charlotte, j’ai 50 ans et deux filles de 17 et 20 ans. J’ai eu une enfance heureuse, j’étais bien. J’ai cinq sœurs et trois frères. Mon père était un peu sévère : on ne pouvait pas sortir ni aller dans les dancings. Il fallait toujours que tout le monde mange ensemble, il aimait que toute la famille soit réunie. Mes frères, eux, pouvaient sortir. Chez nous, les garçons sont plus libres que les filles. Mon papa n’était pas un homme violent, c’était un homme sévère, strict. Mais on pouvait s’habiller comme on voulait et se maquiller.

J’ai vécu chez mes parents jusqu’à l’âge de 29 ans. J’étais la plus âgée et je jouais un peu le rôle de maman car ma maman ne savait pas bien parler le français. Donc c’était moi qui allais acheter les chaussures de mes frères et sœurs avec eux, qui préparais les mariages, les communions, ...

J’ai toujours travaillé sauf quand j’ai eu ma deuxième fille. J’ai arrêté car on me proposait un mi-temps. Puis j’ai recommencé. Je ne travaille plus depuis trois ans. Mon mari ne m’a jamais demandé d’arrêter de travailler. Au contraire, il fallait que je travaille pour ramener de l’argent. Mon mari était facteur et à ce moment-là, il travaillait la nuit, à 4 h du matin. Pendant nos fiançailles, il était charmant : on allait boire un verre, on allait au restaurant, au cinéma, on allait voir ma famille. C’était un homme galant : il m’ouvrait toujours les portes. Tout ce que je faisais était bon pour lui. D’ailleurs, il avait une maison du côté de Charleroi et il l’a vendue pour venir habiter par ici. Je pouvais continuer à voir mes copines, m’habiller comme je voulais. Il n’était pas jaloux. On se voyait tous les après-midi. Donc je n’ai pas vu que c’était un alcoolique car il buvait toujours le soir. C’était un bon vivant, il me disait qu’il aimait bien boire un verre mais cela ne m’a jamais inquiétée car mon père aussi aimait boire un verre mais raisonnablement. C’était un garçon malheureux. Son père a quitté sa mère et il a été placé à l’âge de deux ans. Puis sa mère l’a repris mais elle l’a replacé à l’âge de 13 ans car elle ne savait pas en faire façon. C’était un vagabond et donc il n’a pas vécu dans un bon contexte familial, il n’avait pas un esprit de famille comme chez moi. J’ai été de ce fait plus compréhensive avec lui car je me disais que comme il n’avait jamais vécu dans une famille unie, il avait du mal à vivre normalement avec nous.

La violence a commencé quand on s’est mariés. Elle était d’abord psychologique et morale. A partir de là, j’ai eu deux maris, un charmant et un démon. Quand il avait bu, si ça ne se passait pas comme il le voulait, il cassait tout : la table, la vaisselle. Et je lui donnais toujours raison même quand il avait tort pour ne pas augmenter la dispute. Mais le lendemain quand je lui disais, il me disait de ne plus parler de cela, qu’on était bien, calmes. Il me demandait si je cherchais encore de la dispute, alors je me taisais. C’était un homme qui cherchait les problèmes, aux voisins, à ses collègues et quand on les cherche, on les trouve. Mais il disait que c’était les autres qui lui cherchaient misère.

Il était très autoritaire, dominateur avec nos filles. Elles avaient très peur de lui et même actuellement, elles ne veulent toujours pas le voir. Elles devaient rester assises sans bouger, ne pas boire en mangeant. Elles devaient nettoyer sa volière avec un couteau ou une fourchette, ramasser les affaires qu’il avait jetées dans la pelouse (tiroir rempli de mouchoirs, d’essuies, ...). Elles ne pouvaient pas jouer avec les voisins. Il voulait des oies, des chiens, des oiseaux, des chats, des hamsters. Mais c’était les enfants qui devaient nettoyer les crasses. Il pouvait donner un animal sans s’occuper que ses filles s’y soient attachées. Une fois qu’il avait bu, il a obligé ma fille de 8 ans à conduire sur l’autoroute et il lui a dit de ne rien me dire sinon il me tuait. Souvent, il les punissait pour rien dans leur chambre sans livre, sans écrire et sans musique. Quand il avait bu, on devait être là, à sa disposition. Je ne pouvais pas sortir. Mais je ne répondais pas, je ne le contredisais pas, je me sentais coupable. Je me disais que peut-être, je ne savais pas m’y prendre avec lui et que c’était pour cela qu’il buvait. Le plus dur c’est qu’on ne pouvait jamais parler de nos problèmes car sinon il disait que je cherchais la dispute. Quand les enfants ne faisaient pas ce qu’il disait comme il le disait, il lui arrivait de leur mettre une claque et elles avaient tellement peur qu’elles faisaient pipi sur elles. Quand il avait bu, nous étions ses servantes, nous devions lui obéir au doigt et à l’œil. Mais comme de toute façon, quoi que nous fassions, ce n’était jamais bien, c’était toujours le bordel. Et comme il buvait tous les jours, c’était comme cela tous les jours. Tous les jours, il nous menait à la baguette, il cassait des choses, brûlait des nappes, jetait mes linges dans la rue, jetait la nourriture ou faisait du chantage au suicide. Il lui arrivait quelques fois de prendre des médicaments devant nous ou de prendre un couteau et de se couper les veines.

Quand je n’en pouvais plus, je partais dans ma famille mais il revenait me chercher en me disant qu’il n’allait plus boire, qu’il allait se soigner. Et j’y croyais parce que, pendant que je restais là, il ne buvait pas un verre, il était toujours à sang frais. Et j’avais beaucoup de mal à partir car le matin à jeun, d’une certaine manière, il m’achetait, il disait qu’on allait faire plein de choses. Il carrelait, faisait le jardin, il mettait la main à tout. Il était vraiment charmant et une fois qu’il avait bu, c’était fini, ce n’était plus le même homme. Il cherchait des problèmes à tout le monde, menaçait ma famille avec sa 22 long, achetait sans se soucier de nos moyens (grosse voiture, chiens, ...). Il n’a pas voulu que je veille mon père à sa mort. Il battait ses animaux. Je calmais toujours les choses car, pour moi, la famille c’était important. Je voulais qu’on mange tous ensemble et puis qu’on aille se promener. Je recherchais cela, alors j’évitais les conflits et lui donnais toujours raison. Et quand je lui demandais les raisons de son comportement, il disait que c’était de ma faute.

La violence physique a commencé le jour où j’ai refusé qu’on achète un terrain à bâtir à côté de la maison pour y faire un terrain de jeux pour les enfants. C’était la première fois que je ne voulais pas faire quelque chose qu’il disait. Ce jour-là, il a tout cassé dans la maison, il a appelé la police parce que je ne voulais pas signer la promesse d’achat. Il a porté les enfants chez ma mère et quand il est revenu, il m’a battue, j’avais le visage tout noir.

A partir de ce jour-là, je n’ai plus eu qu’un homme méchant même quand il n’avait pas bu. Ce n’était plus le même qu’avant, il était agressif, cherchait toujours les conflits. Il m’a battue régulièrement même devant les enfants. Cela a encore duré plus ou moins un mois. Un jour, ma belle-soeur m’a donné le numéro du Refuge. Un jour, il voulait encore que je signe pour le terrain, je n’ai pas voulu et il m’a dit que si je restais là le week-end, il me tuait. Alors j’ai décidé d’aller chercher mes enfants à l’école et je suis allée au Refuge pour Femmes Battues. Je suis restée là six mois. Heureusement que je les ai eues pour mes démarches, pour me réinstaller. On m’a montré que ce que je vivais était grave, que ce n’était pas ma faute, que j’en avais déjà beaucoup trop supporté.

Maintenant, cela fait 8 ans que je vis seule avec mes filles. Je me suis acheté de beaux meubles petit à petit et je suis fière de ma maison. Je vais bien malgré quelques problèmes de santé dus au stress (ulcères, hypertension) car je gardais toute ma colère en moi, je n’osais pas l’affronter. Mes filles n’ont plus jamais voulu voir leur père. Quand il leur arrive de le croiser en rue, elles changent de trottoir. Quelques fois, il me téléphone encore et il me dit que maintenant notre couple ne marcherait plus car je suis méchante. Ma famille me bourre la tête. Or, je ne suis pas méchante mais maintenant j’ose lui répondre, lui dire non et cela, cela ne lui plaît pas. Maintenant, je pense que si je lui avais répondu, la violence physique aurait commencé plus tôt, que l’alcool était quelque part une excuse, que dans le fond, il était méchant mais à sang frais, il n’osait pas m’affronter.

Je pense qu’il faudrait faire beaucoup plus de publicité sur des lieux où peuvent se réfugier les femmes battues car beaucoup de femmes restent chez elles car elles ne savent pas où aller. Il y a encore des milliers de choses à raconter, je pourrais écrire un roman.
Charlotte - le 05/09/2009 à 00h01
Charlotte, votre témoignage est très erconfortant poru celles qui doutent que l'on peut s'en sortir. Comme à l'habitude, je le passe dans le corps du blog.
merci de votre précieux témoignage.
Sophie