Les femmes hypersexuelles

Les conséquences psychologiques du viol

 

Si vous avez été agressée sexuellement, il est possible que vous ayez été malmenée, sinon violentée. Votre vie a été mise en danger, on a forcé votre intimité physique et mentale. Il est très probable que les gestes les plus élémentaires de la vie quotidienne vous semblent difficiles pendant quelque temps. Les cicatrices peuvent persister pendant des jours, des mois et même des années.

Les victimes d'agression sexuelle ne subissent pas toutes le même traumatisme, et ne l'expriment pas toutes de la même manière. C'est pourquoi les soins et le support qu'on leur prodigue doivent être adaptés à leurs besoins individuels. Cependant, on peut tout de même dégager certaines constantes en étudiant les témoignages d'innombrables «survivantes» d'agression sexuelle.

 

Les réactions-types à la suite d'un viol peuvent, en gros, s'appliquer à toute crise déclenchée par un drame ou un événement assez traumatisant pour bouleverser la vie d'un être humain. Ces réactions types peuvent être divisées en trois phases: la période de choc, la période de réajustement et la période d'intégration.

Dans les paragraphes qui suivent, nous décrirons à la fois les émotions ressenties au cours de ces trois phases et les comportements qui les caractérisent souvent. Nous traiterons aussi des réactions de l'entourage dans chacune de ces phases ; nous tenterons de cerner les répercussions éventuelles de ces réactions, qu'elles soient positives ou négatives, et de suggérer des moyens concrets d'assurer à la victime le support émotionnel dont elle a besoin. Ces descriptions vous aideront à mieux comprendre ce que vous éprouvez et permettront peut-être aux autres de mieux répondre à vos besoins.

 

Votre vie et vos relations sont affectées par le traumatisme que vous venez de subir. L'un de vos objectifs devrait être de passer de l'état de victime à celui de survivante, c'est-à-dire d'une personne ayant réussi à surmonter une épreuve traumatisante et à retrouver sa joie de vivre et son indépendance.

 

 

LA PÉRIODE DE CHOC

 

La première phase, celle du choc, est de loin la plus intense et la plus cruciale. Les premiers moments, les premiers jours qui suivent l'agression sont vécus dans un climat très particulier. Ce qui se passe pendant cette période peut avoir des répercussions déterminantes sur la durée de la

crise que vous traversez.

 

Les émotions : Les réactions spontanées déclenchées par un viol sont très variables. Ces quelques

témoignages de femmes violées décrivant leurs premières impressions après l'agression le montrent clairement.

 

La sensation d'être sale : «Je n'arrivais pas à me débarrasser de la sensation d'avoir été souillée à l'intérieur comme à l'extérieur de mon corps. J'aurais donné n'importe quoi pour me sentir comme

avant en sortant de la douche: fraîche et propre.»

 

Le choc et l'incrédulité : «Je me sentais complètement engourdie. Je voyais le monde entier sous

un autre jour. Tout me semblait irréel. Je me demandais sans cesse: ça m'est vraiment arrivé. À moi  !»

 

La colère: « J'étais enragée, dans une colère folle. Comment ce type avait-il pu me traiter comme

ça! Comment pouvait-il m'avoir fait ça ! J'étais enragée contre lui, mais aussi contre moi. Comment avais-je pu supporter ça ! Comment avais-je pu avoir assez peur pour le laisser faire ! »

 

La peur : « J'étais submergée par la peur. Je n'avais jamais rien vécu de tel. J'étais paniquée en pensant que ça pourrait m'arriver encore, paniquée à l'idée que j'aurais pu en mourir, paniquée par tout, et à chaque minute. »

 

La culpabilité : « Je n'arrêtais pas de repenser à tout ce qui était arrivé, jusqu'aux moindres détails,

encore et encore. Je scrutais rétrospectivement chacun de mes gestes, chacune de mes paroles.

J'étais sûre que tout était de ma faute. Je me disais: si je n'avais pas été à cette soirée, si je n'avais pas bu ces quelques verres, si je n'avais pas parlé à ce type, rien de tout ça ne serait arrivé. Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre que je n'avais rien fait de mal. »

 

L'euphorie : « Je me sentais très heureuse, infiniment soulagée d'être en vie. Tout ce qui m'entourait brillait d'un nouvel éclat, avait une nouvelle fraîcheur. Je n'arrivais pas à croire que je

m'en étais sortie. Je me disais aussi que ça ne devait pas tourner rond dans ma tête, que ce n'était pas normal de se sentir aussi euphorique après un viol. »

Souvent, ces émotions se mêlent; la victime saute de l'une à l'autre sans transition, ce qui augmente sa confusion et déconcerte ses proches.

Le comportement : Pendant un certain temps, il se peut que vous ne vous reconnaissiez plus tant

vous vivez des émotions inhabituelles, intenses et douloureuses. Certaines femmes se promènent de long en large pendant des heures, des jours, avec les gestes saccadés des poupées mécaniques, plongées dans une sorte d'hébétude. D'autres n'ont absolument plus conscience de ce qui se passe autour d'elles; elles sont quelque part ailleurs, perdues dans leurs rêves. D'autres encore sont apparemment calmes et en contrôle d'elles-mêmes, préférant cacher leurs émotions profondes.

Certaines pleurent à gros sanglots, se calment, puis recommencent à pleurer, et ainsi de suite pendant des heures et même des jours; elles sont complètement débordées par toutes les émotions contradictoires qui se bousculent en elles.

 

Peut-être fuirez-vous complètement la société pendant un certain temps, incapable d'aller travailler et même de voir quiconque. Vous aurez peut-être envie de vous cacher, de ne pas bouger de votre lit pendant une semaine ou encore davantage. Peut-être au contraire vous sentirez-vous incapable de rester seule, même une minute. Vous aurez peut-être peur de sortir seule, ou même avec d'autres. Vous vous sentirez peut-être mal à l'aise en présence de plusieurs personnes, avec l'impression que tout le monde parle de ce qui vous est arrivé, ou du moins qu'ils y pensent.

 

Toutes ces émotions et tous ces comportements sont normaux pendant la période de choc ; tant qu'elle durera, il sera important que vous ayez tous les soins et le réconfort nécessaires; être bien entourée vous rassurera et vous aidera à retrouver un certain calme.

 

Le support: La qualité et la constance de l'appui émotif que vous recevrez pendant cette période seront cruciales. Des attitudes dénotant l'incompréhension ou le blâme peuvent renforcer et même susciter l'autoculpabilisation. Si votre entourage (vos parents, votre ami, votre conjoint) semble

vous reprocher «d'en faire un drame», vous aurez évidemment tendance à vous fermer et à

intérioriser leurs réactions négatives.

Si, au contraire, votre entourage vous témoigne de la chaleur et de la confiance, si vos proches vous font sentir que vos réactions et votre comportement sont normaux et compréhensibles, que vos doutes et vos questions font partie d'un processus nécessaire, vous retrouverez beaucoup plus vite votre assurance. Essayez de parler de l'agression. Mettre des mots sur vos pensées et vos émotions vous aidera à prendre du recul et à leur faire perdre leur allure de cauchemar.

 

Si vous donnez votre appui à une femme violée, écoutez ce qu'elle a à dire. Encouragez-la à exprimer ses émotions: doutes, culpabilité, colère, peur. Aucun de ses sentiments ne devrait être considéré comme inutile, insensé ou inadéquat; tous font partie du processus de guérison.

Souvent, les proches ne veulent pas parler du viol avec la victime parce qu'ils se disent qu'il vaut mieux oublier ce qui est arrivé. Mais la femme, elle, ne peut pas oublier et risque d'interpréter leur silence comme une manifestation d'embarras ou comme un blâme. Si la victime ne peut pas parler du viol dans son entourage, elle aurait intérêt à contacter un centre d'aide aux victimes de viol, une conseillère ou une thérapeute qui pourra l'aider et aider ses proches à affronter la réalité d'une façon ouverte et constructive.

Souvenez-vous qu'une victime de viol, dans la période de choc, a aussi besoin d'aide concrète.

Elle se sentira moins isolée si vous l'aidez à prendre les décisions légales qui s'imposent et si vous l'accompagnez lorsqu'elle rencontre le médecin, les policiers, les avocats et autres intervenantes.

Si elle ne se sent pas en état d'aller travailler, arrangez les choses pour elle; trouvez une gardienne si elle en a besoin; répondez au téléphone et à la porte si elle préfère ne parler à personne.

 

 

LA PÉRIODE DE RÉAJUSTEMENT

 

Peu à peu, la victime émergera de la période de choc et désirera réintégrer la vie normale.

Les émotions : Cette phase se caractérise par le sentiment d'être prête à reprendre les activités quotidiennes. Vous voulez moins penser à ce qui vous est arrivé pour vous concentrer sur d'autres aspects de votre vie que vous avez négligés. Vous vous sentez probablement soulagée d'être moins obsédée par le viol et vous aurez peut-être tendance à nier qu'il vous préoccupe encore. Mais il est possible que vous fassiez toujours des cauchemars, que vous sursautiez chaque fois que quelqu'un entre dans une pièce, par exemple. Ne soyez pas trop exigeante envers vous-même; ces manifestations de peur s'atténueront avec le temps.

 

Le comportement : Le facteur le plus important pendant cette période est l'activité. Que vous décidiez de reprendre votre vie habituelle ou d'y opérer de grands changements (déménager, changer d'emploi, etc.), vous essayez de vous refaire une vie où vous pourrez à nouveau vous sentir bien dans votre peau. L'énergie que vous avez mobilisée pour maîtriser vos émotions, parler ou lutter contre votre agresseur est à nouveau disponible pour autre chose: vous occuper de vous-même, par exemple. Même si vous avez encore besoin du support de vos proches, vous parlez probablement beaucoup moins de l'agression et de ce que vous ressentez depuis.

 

Le support: Il est important que les gens qui vous entourent respectent vos progrès sans nier ce que vous avez vécu. Si le mouvement et les activités tournées vers l'extérieur jouent un rôle prédominant pendant cette période, poursuivre votre démarche intérieure n'est pas moins essentiel à votre équilibre. Le cheminement que vous faites pour reconstruire votre vie modifiera peut-être votre état d'esprit par rapport à l'agression. Essayez d'y réfléchir de temps à autre, ne serait-ce que pour constater vos progrès.

 

Si vous soutenez une victime d'agression sexuelle, il se peut que vous ayez à lui rappeler ses rendez-vous chez le médecin pour les tests de dépistage des MTS. Si elle est retournée chez elle après que vous l'avez temporairement hébergée, invitez-la à souper et même à passer la nuit chez vous. Ne la privez pas brusquement de votre support sous prétexte qu'elle va mieux. Le retour à la vie normale doit se faire en douceur; il est important qu'elle puisse encore compter sur vous.

Bien des amants et des maris trouvent cette période difficile et ont du mal à manifester leur appui. La femme semble avoir surmonté le choc et pourtant elle est réticente devant les relations sexuelles; il peut lui arriver par exemple d'interrompre soudainement un rapport sexuel qu'elle a elle-même' initié. Soyez gentil, compréhensif et solidaire de ses tentatives, même timides. Évitez tout ce qu'elle pourrait interpréter comme des pressions d'ordre sexuel; elle risque de les vivre comme autant de rappels de l'agression.

 

 

LA PÉRIODE D'INTÉGRATION

 

Vous pouvez maintenant mener à bien vos activités quotidiennes et vous avez en partie retrouvée votre calme. Vous éprouvez peut-être le besoin de repenser à l'agression dont vous avez été

victime afin d'éclaircir certaines questions ou certaines émotions qui vous troublent encore.

 

Les émotions : Pendant cette période, vous essayez de vous réconcilier avec vos pensées et vos émotions liées au viol. Frustration, colère et sentiment de culpabilité peuvent remonter à la surface lorsque vous repensez à l'agression en vous demandant si vous n'auriez pas une part de responsabilité dans ce qui est arrivé. Pour la première fois peut-être, vous éprouverez de la colère

contre le violeur, et aussi contre ceux qui ont fait preuve d'injustice, d'incompréhension ou d'indifférence à votre égard. Pendant cette période d'introspection, vous vous sentez peut-être loin des autres, et surtout de ceux qui ont eu une attitude ambiguë.

Vous risquez de vous décourager si vous constatez qu'en dépit de tous vos efforts pour rebâtir votre vie, vous êtes encore poursuivie par des cauchemars, terrifiée à l'idée d'être seule une fois

la nuit tombée, incapable de faire l'amour:

Après tous ces efforts, malgré le chemin parcouru, les progrès que vous avez réussi à faire, peuvent vous apparaître soudain insignifiants et surtout infiniment précaires. Si vous avez porté plainte contre votre agresseur, il est très possible que cette période coïncide avec le début du procès, moment pénible où toutes les émotions ressenties pendant l'agression et immédiatement après remontent à la surface.

 

Le comportement : Vous avez peut-être besoin de vous retrouver seule, loin des autres et même

de votre milieu, non pas pour échapper à la réalité, mais au contraire pour la regarder en face, et

y réfléchir. Peut-être sentez-vous le besoin de parler à quelqu'un qui pourrait vous aider à faire la lumière sur des questions ou des émotions dont le sens vous échappe encore. Il se peut que vous ayez tendance à projeter sur vos proches votre colère contre le violeur. Il est possible que vous remettiez en question certaines décisions prises au moment où vous cherchiez avant tout à vous sentir en sécurité (la décision de retourner vivre chez vos parents, par exemple). Peut-être désirez-vous maintenant retrouver un mode de vie qui vous permette de vous sentir à nouveau libre et autonome.

 

Le support émotionnel : Le temps est venu de vous rappeler que le choc consécutif à un viol est profond et ne se résorbe pas toujours aussi vite qu'on le souhaiterait. Pensez-y quand vous avez l'impression que vous ne vous en remettrez jamais. Faites preuve de patience et de tolérance envers vous-même.

 

Si vous aidez une femme qui a été agressée sexuellement, ne perdez pas de vue que cette colère contre le violeur qu'elle semble diriger contre vous ne vous vise pas personnellement.

Sachez aussi que le fait qu'elle recherche la solitude ne signifie pas nécessairement qu'elle n'a plus besoin de vous.

Si la police et les avocats ont dénigré sa personnalité, critiqué son comportement et mis en doute ses motivations, rappelez-lui que nous vivons dans une société sexiste et que ces préjugés s'appliquent non seulement à elle mais à toutes les femmes.

Cette période «d'intégration» peut s'avérer longue et difficile. La femme éprouvera peut-être le besoin de consulter une thérapeute. Encouragez-la dans cette voie. Cependant, cela ne devrait pas servir d'excuse à son entourage pour la laisser tomber. Aidez-la à trouver une thérapeute qui lui convienne.

 

 

Telles que nous venons de les décrire, ces trois phases ne sont qu'un condensé de ce que plusieurs femmes disent avoir vécu; en aucun cas, cette description ne peut servir de barème pour juger ou pour évaluer les réactions d'une femme en particulier.

Peut-être doutez-vous de votre capacité à traverser une telle épreuve et à vous en sortir; mais avez-vous bien conscience de la difficulté de cette tâche ?

Il s'agit de réintégrer un environnement où l'agression sexuelle est chose courante, d'apprendre à vivre avec la menace du viol dont vous connaissez trop bien le pouvoir destructeur. Votre vision du monde ne sera probablement plus jamais la même. Mais si vous parvenez à admettre cette réalité, vous vous apercevrez que vous avez cessé d'être une «victime». Vous pourriez envisager de suivre un cours d'autodéfense pour femmes; c'est peut-être ce dont vous avez besoin pour développer l'assurance et l'indépendance d'une «survivante. »

 

 

Source, L’agression Sexuelle, Les Presses de la santé de Montréal, p.21 à 23

Sam 27 fév 2010 4 commentaires
c'est un texte très important et très fort, merci Sophie de l'avoir publié!
Ce que je ne supporte pas, c'est de voir un auteur de viol non seulement impuni mais en plus se vanter, affirmer que la victime l'a provoquée, était consentante. J'ai un cas concret qui me met en colère, je vous enverrai un message à ce sujet sur msn.
Jacqueline
Chienne de garde - le 27/02/2010 à 15h04
merci pour avoir ainsi décrypté l'après tant au point de vue de l'agressée que des accompagnants,vous faites un travail formidable avec ce blog
ludivine - le 27/02/2010 à 17h33
Merci Sophie pour ce document si précieux Pour avoir vécu cela je dois dire que le sentiment de culpabilité est fort, surtout quand on se dit "je n'aurais pas du m'habiller ainsi, sortir seule, rentrer si tard etc" Je sais que la victime ne doit pas se culpabiliser mais on ne peut pas s'en empêcher
Olga - le 27/02/2010 à 18h36
bonjour, je suis une jeune fille de 20 ans victime d'une inceste de la part de mon père je suis triste et me sens trahi mes rtrenconres amoureuses ne m'apportent pour l'instant ke du mauvais jai besoin d'aide svp je me sens mal
Jolly - le 22/03/2010 à 11h50
Bonsoir Jolly, excuse-moi de te repondre si tard...Dans le blog, je ferais un petit article pour toi. Si tu veux m'en dire plus, je le publierai...
Courage à toi. tu es jeune, et tu as encoe toute ta vie pour trouver l'amour... Et te guerir ce ce crime que tu as subi.
Bisouxxx
Sophie